Récits d'aventure

Parfois du bout du monde, toujours du bout de la canne

Note à l'attention des personnes utilisant une synthèse vocale sur mobile. Pour ouvrir le menu déroulant des pages du site, il faut cliquer sur non coché, case à cocher et pour le refermer, sur coché case à cocher. Je sais ce n'est pas clair comme texte alternatif, malheusement je ne peux le modifier moi-même, j'ai signalé cela. Bonne visite à vous ! Cordialement, Nico handi Routard

Récits

Depuis plusieurs années je publie mes récits d'aventure, notamment sur la page Facebook Nico, handi Routard pour faire connaitre le Spina Bifida et la vie avec la malvoyance de manière originale.

Comment on se débrouille avec une petite vue dans une ville qu'on ne connaît pas ? Comment gérer les soins en dehors de sa zone de confort ? Comment je gère les aléas de santé loin de mes bases ?...

Retrouvez ici une sélection de ces récits.... Qui piquent, et parfois épiques.

Randonner quand on a ma forme de spina bifida et qu'on est malvoyant c'est :

- une concentration de chaque instant pour analyser le terrain et sécuriser autant que possible le prochain pas. En plus d'avoir un champ visuel très réduit, je ne vois pas du tout les reliefs. Il faut le faire à chaque pas, durant des heures.

- jouer ce numéro d'équilibriste... malgré... un très mauvais sens de l'équilibre (atrophie musculaire).

- Encaisser ces chocs dans des genoux très fragiles. Et dans un dos opéré au niveau de la colonne vertébrale. Le myéloméningocèle est une ouverture de la colonne vertébrale très grave, mais opérée avec succès chez moi à la naissance. Mais reste la fragilité évidemment de cette zone. Le moindre choc provoque une décharge dans les jambes. Un moindre mal. D'ailleurs, il y a quelques années à peine, avant un gros travail de fond, mes jambes ne me portaient pas plus de 3 ou 4 km.

- Gérer les troubles urinaires. Fuites, mais surtout hygiène pour réaliser les sondages correctement, alors que c'est un sport de poisseux. On transpire, on est dans la poussière, souvent dans la boue.

- Gérer une très forte sensibilité à la chaleur et donc emmener beaucoup plus d'eau, avoir besoin de plus de pauses ombre.

- Gérer ses lavements en acceptant de perdre encore de l'énergie pour cela. Malgré tout le bien que cela m'a apporté, c'est de la fatigue en plus.

- Une grosse concentration pour écouter et analyser les indications permanentes du GPS sans oublier le bon maniement de la canne blanche.

On peut donc parler de grosse fatigue mentale, sur un corps qui fatigue lui-même beaucoup plus vite.

Quoiqu'il en soit, cela vaut tellement le coup de sortir de sa zone de confort, d'avancer, de faire des projets, chacun en fonction de sa situation ! Là je vous parle de mes pérégrinations en montagne, de ma découverte de nouveaux horizons. C'est le résultat de nombreux combats, c'était tout sauf gagné d'avance. Mais si demain la vie me prive de cela aussi, bien sûr je serai frustré, mais on trouvera autre chose !

Je répète cette phrase de Martin Luther King : si tu ne peux pas voler, alors cours, si tu ne peux pas courir alors marche, si tu ne peux pas marcher, alors rampe, mais quoi que tu fasses dans la vie, ne cesse jamais d'avancer.

Photo de Nicolas au départ du Puy du Sancy.

Vivre, c'est acquérir des expériences,
Les écrire, c'est les conscientiser.

Une nuit... Et une journée de marche

11 août 2015 20h, 12 août 17h - Sur Saint Jacques de Compostelle

Lescar - Oloron Sainte Marie - une quarantaine de km marchés

Ça y est, pour moi c'est le grand jour ! J'avais une idée derrière la tête depuis le début, c'est le moment de se lancer : tenter de réaliser l'étape de nuit. Et comme les 2 prochaines sont "courtes" (13 et 20 km), je vais les rassembler. Je vais donc à la fois tenter ma première étape de nuit et la plus longue de ma vie, et ce, tout seul. Elodie pense que je me multiplie trop les difficultés, mais comme toujours, elle sait que si je me lance, c'est que je m'en sais capable, et donc, plutôt que d'essayer de me dissuader, elle voit comment elle peut me venir en aide. La partenaire idéale !

Je me prends 24h de repos complet pour préparer mon trajet au mieux. Je regarde les villages intermédiaires pour me diriger vers eux à vol d'oiseau si je me perds. Je regarde sur Internet si je n'entre pas sur le territoire d'ours, on ne sait jamais ! A priori pas de risques, la seule étape où on entrait sur un territoire... était la dernière.

Je recharge mes batteries de téléphone à fond. A priori elles ne suffiront pas jusqu'au bout. Je devrai sans doute m'arrêter quelque part pour recharger.

Je sais que la numérisation dont je dispose n'a pas été vérifiée humainement, mais je sais aussi que je dispose d'outils pour m'en sortir au cas où. Je télécharge une appli qui me donne mes coordonnées GPS précises au cas où je devrais demander de l'aide. Je conseillerai l'intégration de cette fonction au GPS.

Vers 20h je me lance sous les encouragements des autres pèlerins du gîte. L'accueillant du gîte me dit qu'il laissera son téléphone allumé toute la nuit et qu'il pourra me récupérer n'importe où sur le parcours. Je le remercie. Elodie fait bien sûr de même. J'ai aussi un sifflet pour signaler ma présence.

Les premières heures se passent très bien. Un véritable plaisir. En plus j'adore marcher dans la fraicheur du soir. J'ai horreur de la chaleur. Je passe par un cours d'eau. C'est magnifique. J'arrive à Artiguelouve. Quel calme ! Les lumières s'éteignent les unes après les autres. La nuit prend ses droits. Les choses sérieuses commencent. Je sens la forêt qui m'attend. Ce n'est pas forcément rassurant, mais très excitant.

J'ai à présent parcouru presque la moitié de la première des 2 étapes réunies. La forêt arrive.

L'entrée se fait sans encombre. Les points GPS s'enchaînent. Je suis aux aguets, mais j'avance sans me poser de questions.

Première difficulté : mon chemin ne me mène pas au point GPS enregistré. Normal, j'ai raté un chemin. Puis le prochain point est à plus de 300 mètres. Certes c'est quasiment une ligne droite mais il n'y a pas de chemin principal évident. Loin de là. Je m'engage sur un. Ça n'aura visiblement pas été le bon. Plus j'avance, plus il empire, au point que cela devient difficile de revenir sur mes pas. Je m'empêtre dans les fourrés. Je suis totalement empêtré, le prochain point est loin, que faire ? Déjà, ajouter un paramètre pour mes prochaines numérisations pour que les points ne puissent pas être si loin les uns des autres:-)

En attendant, il faut me sortir de la situation actuelle. Qu'elle est dense cette forêt ! Je ne trouve plus le petit chemin, mais je me souviens à peu près de la direction. Alors je passe à travers la végétation comme je peux. Parfois à 4 pattes, mais ce n'est pas top avec l'énorme sac sur le dos. Je finis par retomber sur un chemin. Le même que celui dont je suis venu ? J'en sais rien. Ce petit égarement a duré environ une heure.

Sur le chemin, je fais une tentative pour retrouver ma route. En vain. Je sais que je ne vais pas m'acharner. J'ai usé trop de mon énergie. Un chemin semble meilleur mais me mène vers une nouvelle impasse. Je vais donc être prudent et me décide à retourner vers le village. Il est à cap 10 heures. En essayant de maintenir le cap le plus possible selon les chemins qui se présentent, je ressors sans encombre. Je passe à travers vignes et finis par tomber sur la première maison. Je programme le GPS en mode urbain pour qu'il me ramène au centre du village. Il y a un chemin tout près, mais il faut descendre un ravin. Je le descends sur les fesses en m'assurant à chaque fois. J'arrive au centre du village, il est 1h20. Je rassure Elodie, lui dis qu'elle peut s'endormir, j'ai trouvé une pelouse magnifique qui appelle au sommeil. Mais je suis encore en forme et je suis frustré. Je sais que cela ne servirait à rien de retenter par le même chemin sans avoir au préalable changé le paramétrage de numérisation. Pourquoi pas la route ?

Elodie m'a dit qu'elle est à Estialescq. Par la route, il y a plus de km mais cela me semble jouable pour lui faire la surprise d'aller partager son petit-déjeuner. Comme personne ne connait l'itinéraire que je prends, je me fixe une règle : je m'arrête dès que le chemin proposé par le GPS me fait passer par des chemins sans doute déserts même en journée. Cela n'arrivera pas.

Je passe en rase campagne mais sur d'assez grosses routes. Le bruit des cloches des animaux d'élevage m'accompagne toute la nuit. Les aboiements des chiens quand je passe dans les villages aussi. A 3h30, je me décide à faire ma première pause d'un quart d'heure. Je grignote, je me pose en bordure de parc, quel sentiment de liberté retrouvée.

Cette pause était nécessaire, je viens d'enchainer les montées et j'ai cru que j'allais cracher mes poumons. Je suis toujours dans les temps pour aller surprendre Elodie.

Je continue à avancer, quelques gouttes tombent, des éclairs au loin, les petits villages, c'est magnifique. Vers 5 heures, je décide de me rassurer quant à la quantité d'eau qui me reste dans la poche. Ouille ! Même pas 30 cl sur les 3 litres ! Je suis assis en bordure de route pour réfléchir à ce que je vais faire. Une voiture s'arrête à mon niveau. Le conducteur me demande, ça va ? Je me dis ouf ! Il va pouvoir me conduire quelque part... Mais je n'ai même pas le temps de répondre qu'il a redémarré ! En suis-je arrivé à avoir une tête de tueur en série ?

Tout à coup j'entends une église sonner. J'écoute bien et me dirige dans sa direction. Autour des églises, il y a souvent un robinet. Je tente ma chance. J'arrive ainsi à Lasseube, charmant petit village. Pas une lumière encore, rien. Soudain j'entends une télé très forte. Je me dirige vers l'origine du bruit. J'arrive chez le boulanger en plein travail. Il me remplit la poche avec de l'eau bien fraîche.

Je me remets en route, mais cette aventure m'a mis en retard et je ne pourrai pas être à temps pour la surprise à Elodie. Tant pis, c'était plus que nécessaire.

Je décide donc de me mettre directement en direction d'Oloron. J'ai prévu suffisamment de vivres pour ça. Mais maintenant, j'ai le temps de faire une pause. Je suis à presque 30 km parcourus depuis 20 heures hier soir. A priori, je devrais arriver à Oloron en milieu de matinée...

La pause s'éternise, je suis couché dans un fossé. Mes jambes ne m'auraient pas mené plus loin. Une voiture s'arrête, la conductrice pensait que je n'allais pas bien. Elle me laisse des choses à grignoter. Son sourire chaleureux et sincère m'aide à redémarrer. Mais je me réécroule après 1 km. Commence un vrai supplice sans fin. Le sac me semble peser 1 tonne. J'avance 100 mètres par 100 mètres, en fait fossé par fossé. Je crie par moments. Une pélerine allemande me rattrape, on discute, ça fait du bien. Mais quand elle redémarre, elle me paraît filer comme une fusée... Je ne supporte plus la moindre montée. Au final, je mets le même temps pour parcourir les 10 derniers kilomètres que pour les 30 premiers. Comme j'ai choisi de passer par des grosses routes, ce n'est que du béton. C'est casse-pattes d'une manière inimaginable. J'arrive enfin à Goës, village à 1 kilomètre d'Oloron. Je m'arrête à une épicerie et prends glace, boissons, fruits... Je retrouve le moral.

J'arrive à Oloron, l'accueillante est dans la rue pour m'attendre. Elodie a parlé de moi, j'ai droit à un accueil du tonnerre !!! 

Un moment incroyablement fort. 

Toutes les souffrances psychiques sont oubliées, mais il va falloir se poser quelques jours pour soigner les blessures de nos corps.

Photo d'illustration de la marche de nuit

Saint Jacques de Compostelle
Journée très douloureuse, mais apprentissage qui me sert toujours aujourd'hui

Mardi 4 et mercredi 5 août 2015

Arrêt technique à Marciac

Je jubile. Il y a un an, toute sortie en autonomie dans un lieu non appris par cœur était une épreuve, et même impensable dans la nature.

Retour sur une situation où je ne retrouvais plus mon chemin en forêt.

Je me sers sur ce pèlerinage d'une numérisation non vérifiée humainement comme c'est l'usage habituel. C'est un risque peut-être, que je ne conseille pas, mais l'outil est suffisamment abouti pour réussir à compenser cela. Je ne me suis à aucun moment senti totalement perdu ou en danger. La situation restait sous contrôle et je n'ai donc pas eu à paniquer. Il y a encore un an je gambadais toujours derrière quelqu'un, le moindre coin de nature me semblait un dédale, un labyrinthe inaccessible.

Au petit matin je comprends que je ne vais pas passer une bonne journée malgré la pause que nous nous accordons. Les brûlures à la vessie, que je ressens depuis 2 jours et que j'essaie de soigner par des moyens naturels et une forte hydratation ont franchi le seuil que je sals sans retour sans traitement. Je prends rendez-vous chez un médecin local. Rendez-vous à 17h30. Ok, il est 11 heures, je vais me reposer en attendant.

Les douleurs ne cessent d'augmenter. Je ne les ai pas connues ainsi depuis des années et des années. J'ai quand-même de la chance, elles ont attendu une petite ville pour se révéler. Dans l'après-midi, la situation devient intenable. La fièvre monte. J'essaie de commencer à ranger les affaires. Après le matelas, je m'écroule. C'est à ce moment-là que revient Elodie. Elle prend les choses en mains formidablement. Je ne peux vraiment plus l'aider. Je tourne en rond sur l'aire de camping, je grelotte, mais je n'ai même plus la force de m'habiller. C'est l'un de ces moments où l'on se sent exclu du monde réel. Beaucoup de jeunes sont autour et continuent à s'amuser. J'aimerais être dans cette énergie-là. Je ne le vois pas, mais je pense que certains me regardent en se demandant ce qui se passe et sans savoir comment réagir. Ça doit être déstabilisant pour eux aussi.

Je me dirige vers l'un de ces groupes car je ne veux pas qu'Elodie se coltine tout le boulot toute seule. Ils acceptent tout de suite de l'aider. Je me retourne pour leur désigner notre tente, mais je ne la reconnais pas au milieu de la forêt de tentes. Je viens de leur expliquer que j'avais une infection urinaire, je dois désormais leur expliquer aussi que je suis malvoyant car pour ces quelques mètres je n'avais pas pris ma canne. Nous appelons Elodie, mais très affairée, elle ne nous entend pas. Après 5 minutes je l'aperçois. Les 2 emplacements étaient peut-être distants de 12 mètres... Bon.

Ils demandent comment on va se débrouiller. Beeen je vais prendre mon sac et on va marcher jusqu'au médecin. Bizarrement, ils ne trouvent pas l'idée très bonne. Ils me proposent de m'emmener en voiture. Je suis content, ils ont une 4L, j'adore ces petites voitures. On arrive dans Marciac. Elodie trouve la bonne adresse. Elle rentre... Ce n'est plus la bonne adresse... Le bonhomme qui y vit maintenant n'est pas très content. On ne doit pas être les premiers à se tromper. Je rappelle le médecin. L'adresse des pages jaunes n'est effectivement plus à jour. Super, à chaque minute qui passe la douleur augmente encore.

Comme il y a le festival de Marciac, nos pilotes nous proposent d'aller au centre de la Croix-Rouge... Je comprends que cela ne fasse pas partie de leurs compétences, mais ne même pas adresser un regard à la personne qui se tord de douleur et rester assis peinard, ce n'est pas juste non professionnel, mais pas humain... Passons, la Croix-Rouge fait en général du très bon boulot, je ne veux pas dire de mal de l'institution. 

Reretour dans la voiture. Ils nous emmènent chez le médecin. Celui-ci accepte de me recevoir en urgence. Elodie et moi montons en ascenseur... Panne d'ascenseur. On reste bloqués une dizaine de minutes avant que la secrétaire parvienne à nous ouvrir. Heureusement, aucun des deux n'est claustrophobe. J'ai passé ce temps couché par terre pour gérer la douleur. 

Mais je sais déjà que dans 2 jours je serai sur la route !

Le médecin me reçoit rapidement. Il connait bien la maladie (ce qui est à souligner). Piqûre de morphine dans le ventre. En 10 minutes, je retrouve le sourire. Elodie lui demande quand je pourrai reprendre. Très bonne réponse : c'est à lui de le sentir.

Je me sens dans un état un peu second, mélangé à ce sentiment d'euphorie de l'épreuve passée.

Je voulais parler de cet épisode car des milliers de Spinas le vivent très souvent et secrètement. J'ai la chance de ne plus en avoir vécu depuis longtemps, mais d'autres le vivent régulièrement. C'est une douleur vraiment intenable.

L'euphorie que je ressens ne me fait absolument pas perdre de vue une chose : mon corps m'a envoyé un signal d'alerte. Il ne me fait pas ça habituellement, c'est qu'il y a des choses à changer, et je les changerai pour poursuivre le challenge avec un ratio/risque plus favorable. C'est cela aussi essuyer un peu les plâtres : on tâtonne avant de trouver les bons réglages. Il y a donc des changements au niveau du matériel antiseptique. Décision est prise aussi de privilégier les gîtes et familles d'accueil plutôt que la tente à chaque fois que cela sera possible. Cela nous pose un problème budgétaire : les nuits sous la tente sont gratuites... On réduira le trajet total pour compenser. Nous nous arrêterons sûrement à Oloron Sainte Marie dans 110 km. C'est dommage que les finances s'en mêlent, nous aurions vraiment aimé arriver jusqu'en Espagne, mais la santé d'abord.

Une dame dans la salle d'attente nous propose de nous ramener en ville en voiture. Nouvelle chance:-)

Nous allons passer les 2 prochaines nuits dans un atelier artistique. Un lieu dantesque. Un cadre génial pour se reposer. Je ne peux pas profiter du festival mais nous sommes à 2 pas du centre-ville et la fête vient à nous. Ce n'est pas ma musique de prédilection, mais c'est beaaaau le jazz sous le soleil.

Mercredi très très calme. La sérénité est revenue. Cafète devant un concert, courses, durant lesquelles nous nous prévoyons un repas de secours suite à la petite aventure de lundi durant laquelle j'ai failli devoir passer la nuit en forêt. Nous comparons les produits pour trouver ceux qui apportent un... Maximum de calories pour un minimum de place. 

Nous essayons de nous coucher assez tôt, mais comme toujours nous échouons:-)

Citation disant le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste espère qu'il va changer, le réaliste ajuste les voiles

L'ascension du grand Ballon avec les "Blind Trotters"

Jeudi 1er octobre 2015

Clément, Cyprien et moi nous étions donné ce rendez-vous depuis longtemps. Quand nous avions monté le Wintersberg lors de la traversée des Vosges du Nord. Nous avions alors effectué la montée vers ce petit sommet qui est le sommet des Vosges du Nord. Nous avons alors décidé que nous devions monter au sommet de l'Alsace. Le Grand ballon, qui culmine à 1420 m.

Rendez-vous était donc donné au train à 6h50. J'arrive à la gare, où je tombe sur Cyprien au tram. Nous rejoignons Clément pour monter à bord du train. Nous en avons pour près de deux heures avec un changement à Mulhouse. Je n'aime pas trop ça, parce que nous n'avons que 10 minutes, je ne connais absolument pas la gare. Nous essayons d'obtenir le numéro du quai grâce à l'application SNCF. Super… Elle est en panne. Et notre train prend quelques minutes de retard... On demande au contrôleur, il essaie de regarder sur la même application… Même résultat ! On est bien avancé… on descend, mais là, coup de chance, la première dame que nous interpellons fait le même changement. Elle nous guide.

Je trouve ça toujours sidérant le contraste entre les dizaines de kilomètres que nous faisons seuls grâce à l'application GPS et le fait que nous ayons besoin de demander de l'aide pour quelques mètres quand nous n'en disposons pas….

À bord du train, nous manquons de créer un incident diplomatique. Un petit c... est saoulé par le fait que nous mettions plus de temps à rejoindre nos sièges. Un gars baraqué arrive et le bloque lui, le temps que nous rejoignions nos sièges. Merci ! Réponse du petit c... Je vais le planter lui !... OK… On se calme.

Dans le train, une première annonce donne "toutes" les gares que nous allons traverser, puis la bande-annonce est coupée. OK, débrouille-toi quand tu ne peux pas lire les noms de gare. Clément avait compté le nombre de gares jusqu'à notre arrivée à Willer-sur-Thur. Autant que je sache, il sait très bien compter, mais je me méfie, je préfère vérifier sur le GPS dans quel village nous nous trouvons au fur et à mesure. Précaution qui ne sera pas vaine, puisqu'apparemment toutes les gares n'ont pas été annoncées. La bande sonore est obligatoire normalement, mais certains passagers se plaignent auprès des contrôleurs qui finissent par la couper... L'accessibilité est une nuisance sonore…

Le GPS finit par nous annoncer que nous sommes à la bonne gare.

Clément a préparé la journée très très scrupuleusement. Il a prévu plusieurs chemins pour l'aller comme pour le retour, un travail hautement mathématique de nettoyage des traces GPS disponibles sur Internet, que Clément et Jésus, le concepteur, ont réussi à intégrer à l'application. Elle sera désormais faisable en un clic ! Bravo à eux, il y a de nombreuses traces disponibles sur Internet, désormais exploitables grâce à leur travail. Chapeau bas, c'est une superbe avancée, car ce n'est pas tout d'avoir une superbe application, il faut aussi avoir les chemins.

Pour l'aller, nous n'avons pas de doute, nous allons bien sûr passer par la nature. Arrivés à Willer, nous sommes pris du syndrome des cinq premières minutes : j'ai remarqué que 95 % des erreurs ont lieu dans les cinq premières minutes de marche... Et effectivement nous partons dans la mauvaise direction un bref instant. Mais nous retrouvons vite la bonne voie. Je voudrais prendre un petit pain avant de partir, nous traversons la rue dans laquelle je pensais qu'il y aurait un boulanger, mais nous ne le trouvons pas, tant pis, nous sortons du village.

Je veux programmer le téléphone, mais la synthèse vocale ne fonctionne pas normalement. Super. 

C'est donc équipés de mon quart d'œil mais de 4 téléphones pour trois, que nous nous lançons dans l'ascension. Une dernière route très circulante, un dernier rebord de fontaine dans les genoux. Il est 9 heures du matin, c'est parti !

A la sortie du village, seul le boucan d'un tracteur vient troubler la quiétude qui s'empare de nous. Nous le laissons passer, car nous n'entendons plus nos GPS. L'ambiance est tout d'abord avant tout très joyeuse. Nous sommes excités comme des gosses, cela relève de la science-fiction pour nous de nous lancer seuls là-dedans. Ça discute pas mal, et ça se déconcentre un peu. Les indications du GPS ne veulent plus rien dire, demi-tour. On a raté le premier chemin qui partait sur la gauche. On cherche avec nos cannes. Trois cannes, c'est tout de suite plus efficace qu'une seule. On le trouve assez rapidement. Mais il y a un petit fossé, et Clément tombe dedans. Rien de grave. Mais on se reconcentre, les choses sérieuses commencent. Comme le signale Clément, le début d'une ascension est souvent le plus difficile. Il a raison. Il a beaucoup d'expérience de la montagne. Les chemins sont vraiment escarpés, et en pleine forêt. Plus haut, nous retrouverons de vrais chemins. J'ai un peu peur pour mes compagnons, je vois mieux qu'eux que nous avançons sur des chemins très fins, remplis de branches et de caillasses. Heureusement, il n'a pas plu depuis quelques jours, il n'y a pas de boue. Je les admire beaucoup, moi je vois un peu les chemins, mais eux, comment font-ils pour avancer à cette vitesse sans rien y voir ?! La trace GPS est vraiment bien faite, du travail clémentesque. Il y a parfois quelques imperfections liées à la numérisation faite par un parfait inconnu, mais que nous remercions tout de même. Clément, qui n'est pas du tout marqué par l'effort, en profite pour la corriger. 

Ses corrections faites, il nous rattrape toujours bien vite. On avance bien, si ce n'est une ronce que je me prends dans la figure, j'ai l'habitude maintenant. Plusieurs pauses barres céréales sont nécessaires, le petit-déj est déjà loin. J'ai l'impression que mon estomac fonctionne comme un presse-purée : chaque bouchée avalée semble disparaître instantanément dans mon organisme...

Puis soudain, on ne comprend plus, le GPS nous indique 9 heures alors qu'à notre gauche se trouve un ravin... On cherche le point suivant qui est à 10-11 heures. On continue tout droit, mais rien à faire, la direction ne veut pas redevenir midi. Elle redevient même 9 heures. Aïe.

On essaie de couper à travers forêt, mais on tombe sur les barbelés d'un parc. Pas d'autre choix, nous devons faire demi-tour. Un vrai numéro d'équilibriste pour retrouver la route. On retourne au point litigieux, et on cherche. Je finis par trouver un petit truc qui éventuellement aurait pu être considéré comme un sentier. Mais c'est de la folie, comment cette personne a-t-elle pu s'engager là-dessus ?! On continue un peu dans la direction et au bout de moins de 100 m nous tombons sur une grosse route. Ainsi, le numérisateur a préféré passer par un chemin complètement fou, plutôt que par une route tout à fait sécurisée même pas 100 m plus loin... Soit. Dans l'histoire nous avons perdu près d'une heure bêtement (c'est sûr qu'avec un peu plus d'yeux on l'aurait vue cette fichue route!). Mais bon, on est contents, on a réussi à se sortir de ce mauvais pas. 

Un peu plus loin, ambiguïté de directions. Nous nous engageons sur ce que nous pensons être une route. Chemin bloqué. À bien y regarder, il s'agit plutôt de la cour d'un ferrailleur. On a l'impression d'être dans un autre temps. Nous retrouvons la route, et nous réengageons enfin sur des chemins en pleine nature. Les vraies montées commencent !

Point sympa, dans sa numérisation, Clément a ajouté les altitudes. Nous pouvons donc suivre notre ascension. Nous parvenons à un petit village. Une trace GPS non contrôlée préalablement est toujours plus ambigüe quand il y a des constructions, mais malgré quelques hésitations, nous avançons bien. À la sortie du village nous attend un véritable mur à grimper ! 

On tire la langue, mais une fois cette forte côte passée, nous sommes récompensés : à 800 mètres arrivent les premiers alpages ! Yes ! On prend 2 minutes de pause pour nous revigorer et profiter de ce vent glacé. On se sent une première fois récompensés de nos efforts. Mais on sait aussi que nous avons grimpé 500 m et qu'il nous en reste 620... Et moi qui n'ai que très peu d'expérience, je ne sais pas du tout ce qui nous attend. Et pour ne rien arranger, la suite commence par une redescente, qui plus est sur des cailloux . J'ai horreur de ça, je ne tiens pas dessus. Mais Clément avait raison, même si les chemins grimpent bien, ils sont plus faciles pour marcher. 

Il annonce que nous allons faire une pause à 1000 mètres, mais nous avançons si bien que nous décidons de la reporter à 1100. Mais là ça devient dur pour moi, je n'arrive plus à les suivre. Je suis tout de même avec un grand marathonien et un judoka de haut niveau, tandis que moi… hum. Mais ils ne me le font pas du tout sentir. On s'arrête pour 20 minutes qui défilent à une vitesse... On se fait la réflexion : c'est fou, on ne sait plus d'où l'on vient, on ne sait pas où on est, nous ne pouvons pas avoir d'indications pour ça, tout ce que nous savons, c'est où nous devons aller selon les consignes que nous recevons. On reprend.

Certains chemins sont difficiles à trouver, mais on avance petit à petit. On sent le sommet qui se rapproche, il y a de plus en plus de marcheurs. Les tricheurs ! Ils ont laissé leurs voitures plus haut, nous nous avons dû venir de tout en bas dans la vallée. L'avantage pour eux c'est qu'ils peuvent profiter un peu des lieux, nous nous devons toujours avancer, un train nous attend le soir. Mais nous, nous aurons fait le Grand Ballon, depuis la vallée, dans toute sa splendeur.

Clément et Cyprien qui sont loin devant moi demandent à des passants s'ils m'ont vu. Non, ils ne m'ont pas vu. Mes deux comparses rebroussent chemin, de peur qu'il me soit arrivé quelque chose. Non non, c'est juste qu'ils m'ont largué loin derrière. Soudain, nous débouchons sur une zone herbeuse qui aboutit à une auberge. Nous nous arrêtons pour une pause. Nous détonnons dans le paysage avec nos trois cannes blanches, et nous attirons l'œil de 2 Canadiennes en vacances. Elles veulent savoir comment nous faisons. Nous lui expliquons le système. Nous repartons de l'auberge avec du bon fromage plein nos sacs. Clément en a prévu un pour le sommet. 

La trace ensuite n'est pas très claire, nous passons donc par un parc. De l'autre côté, nous ne retrouvons toujours pas la trace. Tant pis, nous sommes presque au sommet, tous les chemins y mènent désormais.

Effectivement, nous débouchons sur le dernier parking avant sommet. Certaines personnes ont beaucoup de mérite, elles laissent leur voiture à 200 mètres du sommet pour y grimper.

Un dernier effort, sur un chemin caillouteux et sous les vents battants, et nous voilà au sommet de l'Alsace !

Nous nous prenons bras dessus bras dessous pour aller toucher ensemble la petite tour du sommet. Clément déchiffre un écriteau en relief. Nous allons faire un petit tour aussi sur la station météo, où nous sortons notre bon fromage. Nous faisons quelques photos, une idée nous était venue : nous allons nous mettre torses nus et allons faire un selfie tous les 3 ! Un touriste allemand fera quelques photos de nous un peu plus présentables.

Nous sommes arrivés au sommet à 16h30, il est désormais 17 heures passées, le train est à 20h19, plus le temps de trainer.

Nous entamons la redescente. Nous hésitons sur quelle trace GPS suivre, puis l'une d'elles s'impose toute seule : celle qui passe par les routes. Commence un véritable rallye en descente ! Nous avons plus de 16 km à faire en moins de 3 heures, après avoir mangé plus de 1300 m de dénivelé positif... Pfffffff. Les muscles apprécient.

Nous attendent donc 3 heures à bloc, et sans aucune pause possible ! Clément a fait ses calculs. De plus, il mesure tous les 10 minutes la distance parcourue pour s'assurer que nous sommes dans le rythme. Cyp et moi n'en pouvons plus. Pendant trois heures nous devons à chaque instant puiser au fond de nous-mêmes pour maintenir ce qui est pour nous, notre vitesse de pointe. J'ai très peur de craquer, mais les kilomètres défilent et je me dis, c'est pas possible, on ne peut que y arriver, ce serait terrible de ne pas être récompensés de tels efforts. J'ai une fringale, mais pas question de s'arrêter, c'est impossible. Avec Clément nous créons un véritable système de ravitaillement. Il me passe des morceaux de nougat régulièrement en pleine marche. A cette vitesse, et sans voir, c'est digne d'un passage de relais aux Jeux Olympiques. Il y a des pertes.

Au début, je suis dégoûté de ne pas avoir le temps de prendre de photos des paysages que j'aurais aimé vous transmettre, mais au bout d'une heure, le chemin ne me parait plus être qu'un amoncellement d'innombrables lacets. Horrible. J'ai la nausée. Nous nous rapprochons de Willer, nous sommes assez optimistes à ce moment-là. 

Dans le village, c'est beaucoup plus long que prévu, et nous galérons à retrouver notre chemin. Nous sommes à 2 pas de la gare, mais je vois l'heure et je sens que comme toujours les derniers mètres seront les plus durs, le GPS ne nous sert à rien pour trouver le lieu précis d'où part le train. Et effectivement il arrive, nous sommes du mauvais côté, nous gueulons, attendez ! La réponse de la contrôleuse... NON ! Bye bye le train !

Après trois heures d'efforts intenses, nous le ratons de 30 secondes. Pu...naise ! Clément et Cyprien ont continué, je ne sais pas du tout où ils sont. J'essaie de les appeler, ils ne répondent pas au téléphone. Je suis affalé sur mon sac, épuisé, démoralisé, je hurle pour savoir où sont les autres, rien à faire.

Mais le hasard fait qu'une amie est originaire de ce village. Je l'appelle, et, miracle! Elle est en vacances au village ! Elle a déménagé à Pont Sainte-Maxence, c'est un coup de chance énorme ! 

Elle arrive en quelques minutes, je tombe dans ses bras, son sourire fait tellement de bien dans ces circonstances. Nous hésitons, va-t-on dormir chez elle ou essayer de rattraper le train qui part de Mulhouse ? Ça semble trop court, et le suivant ne part que deux heures plus tard vers 23h30. On tente notre chance, et cette fois la pièce tombe du bon côté. Nous l'attrapons à deux minutes près. Un grand merci à elle ! D'autant plus qu'elle n'a vraiment fait que rouler, puisque je suis tombé comme une masse dans la voiture. Une amie en or.

Nous montons à bord du train, nous nous installons. Un détail cloche… Nous ne sommes plus que deux. Mince, où est Cyprien ! Nous pensions que nous nous suivions. On pensait mal… heureusement, ce soir, contrairement à ce matin les gens sont très sympas, et une personne part à sa recherche, le retrouve sur le quai et le ramène à temps. Encore ce contraste sidérant dès que nous n'avons plus le GPS ! C'est incroyable. C'est vraiment notre ligne de vie.

À bord du train, j'ai l'impression que nous sommes des extraterrestres, on pue, on est sales, mais tellement fiers ! Ça fait un bien au moral fou. En plus, grâce à Emilie, toutes les forces que nous avons jetées dans la bataille pour redescendre à temps, n'ont pas été vaines, nous avons rattrapé le train que nous avions prévu de prendre après correspondance !

Récompense suprême : le grand marcheur Clément le concède dans le train : il a aussi mal aux pieds…

Happy end !

Photo de Nicolas, Clément et Cyprien lors de la montée du Grand Ballon

Une vraie soirée d'Halloween...

31 Octobre 2016, traversée des Vosges du Nord en solitaire

 

Avant dernier soir, et à à peine 2 km de l'arrivée. Il est 18h, et il commence à faire bien nuit. Après avoir traversé des prés, je réattaque la forêt pour une dernière montée qui s'annonce paisible.

Une énorme harde de sangliers déboule et traverse le sentier sur lequel je me lance. Au bout de quelques dizaines de secondes, le silence revient. J'essaie de regarder, et je vois des tâches sur le sentier. Des tâches foncées. Je prends une photo pour essayer de zoomer, et il me semble que ce sont encore des sangliers.

Après quelques minutes, je ne sais pas trop quoi faire, je n'ose pas trop me lancer. Je regarde sur Google maps pour un autre chemin, mais qui n'aura plus rien à voir avec ma trace qui est prévue pour être sur des chemins de randonnée.

Je regarde, ça n'a pas l'air trop long, 4 ou 5 km. Je préfère faire demi-tour de suite, puisque la nuit avance vraiment.

Sauf que, bien évidemment, je me perds, sinon ce n'est pas drôle. Pas mal de temps perdu, la connexion Internet est loin d'être au top.

Et là, supeeeeer, je me retrouve le long d'une route hyper circulante, notamment beaucoup de camions. Je suis littéralement obligé de marcher dans le fossé, d'avancer comme ça avec ma canne blanche et mon bâton de randonnée. Bon, heureusement qu'il y en avait un de fossé. Je suis aussi équipé d'un gilet jaune et d'une frontale.

Mais cela fait drôle de sentir les camions passer tout proches dans le brouillard et sous la pluie. Oui évidemment, c'est Halloween, la pluie s'est mêlée à la fête. Cela fait que je me prends de grosses giclées par les roues des camions.

Vers 20h30-21h je finis enfin de grimper la côte.

J'avance ultra prudemment mais vraiment j'y vois pas grand-chose.

Je déambule dans le village, et je vois de la lumière. Cool, un troquet pour se refaire un peu !

Je m'installe, je commande un panaché. Je me refais un peu la cerise et puis j'ai une idée.

Je sors mon téléphone, je vérifie, j'avais gardé la photo que j'avais prise en forêt et je la montre à la serveuse.

Je lui demande, ce sont bien des sangliers ? Parce que là je viens de faire un énorme détour à cause de ces sales bêtes... (Je dis ça affectueusement, c'est moi qui étais sur leur territoire, pas l'inverse).

Euh non monsieur, désolée, mais ce sont des souches d'arbres...

 

Photo de Nicolas Linder en randonneur dans la forêt

Route des Vins d'Alsace, 
1ère expérience quasi solitaire sur 170 km

15 septembre 2015, Molsheim - Obernai, 18 km

À quoi ça rime un non-voyant et un malvoyant sur la route des vins ? 

Mon pote aveugle Cyprien m'a rejoint pour cette journée. Nous avons appris à mieux nous connaître lors de la traversée des Vosges en juin dernier. C'est la première fois que nous remarchons ensemble depuis. Nous nous sommes découvert une véritable gémellité en termes de rythme de marche. Quoiqu'on fasse, on est toujours dans les baskets l'un de l'autre ! Et pourtant, on a essayé de se distancer plus d'une fois, mais rien n'y fait !

À peine partis, à la sortie de Molsheim, ma canne touche quelque chose au sol. Je me penche, ce que je vois me rappelle quelque chose… Un passant me confirme qu'il s'agit bien d'une coquille Jacquaire. Suis-je de retour dans le sud-ouest ? Eh non, ma chérie n'est pas là, en tout cas physiquement:-(

Comme la numérisation de la route des vins n'était disponible qu'en mode cycliste, celle dont je dispose me fait passer par trop de grands axes, trop risqués. Je change de stratégie aujourd'hui, je rentre les villages par lesquels je dois passer. La première partie est beaucoup plus agréable, nous passons dans des endroits très champêtres. Ça fait du bien. À un moment nous avons de la chance, quelqu'un a eu la bonne idée de mettre des clôtures électriques sur le chemin proposé. Mais nous ne nous faisons pas piéger !

Nous arrivons alors à Boersch, village dont j'avais entendu le plus grand bien. Et je ne suis pas déçu. Il est extra, il y a une vraie quiétude, et partout coulent de petits ruisseaux et fontaines, je trouve ça enchanteur. A visiter sur un weekend au vert par exemple. Nous enchaînons avec Ottrott puis Obernai où m'accueillera ma cousine Laura.

Pour éviter les trop grosses routes, nous prenons des chemins de traverse. Le GPS nous y retrouve et nous pouvons donc procéder ainsi.

Un peu partout, nous pourrons goûter le raisin. Ça tombe bien, Cyprien n'avait pas de sandwich, nous avons dû partager le mien, car nous n'avons pas trouvé de boulangerie ouverte. C'est triste comme en journée il n'y a plus de vie : tout ferme. Certes, nous en avons sûrement ratées. Mais les raisins sont succulents ! Bon cru en perspective:-)

Aujourd'hui encore, une personne se propose de nous prendre en auto-stop. C'est très gentil :–) mais ce n'est pas trop le but.

Arrivés à Obernai, nous nous soumettons à l'objectif d'Estelle Hoffert.

Le soir venu, en arrivant dans la rue de ma cousine, je me rends compte des limites d'un GPS : ma cousine réside dans un quartier résidentiel, les immeubles sont enchevêtrés. Où est ce fichu numéro 3, rue biiiiiip ! Je tourne en rond autour des immeubles. Certaines personnes, au lieu de répondre à ma demande d'indication tournent les talons, me prenant sûrement pour un rôdeur... Mmm:-) au bout de 45 minutes, un mec sympa me confirme que je suis quasiment devant le numéro 3. Plus qu'à attendre le retour de la cousine avant une booonne nuit réparatrice !

Photo de Cyprien et Nico prise par la photographe Estelle Hoffert dans un village viticole typique

Vivre la Nature, intensément

Belle-île-en-mer, juillet 2019

Un moment d'émotion rare aujourd'hui !

Un spectacle que seule la Nature sait offrir

A peine installés sur les falaises de la pointe des Poulains, la pointe nord-ouest de Belle Ile, une tempête se lève. En contrebas les vagues s'abattent avec une force inouïe sur les rochers.

Pluie, vent déferlent avec force.

C'est le moment que choisissent un jeune goéland et sa mère pour venir parader autour de nous, à 50 cm.

Féérique !

Nous sommes hors du temps.

Puis le spectacle prend fin d'un coup.

Les oiseaux s'envolent, la pluie cesse... Les touristes reviennent.

C'est incroyable, c'est comme si le film avait pris fin.

De telles émotions, jamais Hollywood ne saura en produire.

La Nature est belle, aimons-la à sa juste valeur !

Photo d'un splendide goéland sur une falaise, il a une goutte sous le bec suite à la tempête. Photo prise à environ 2 mètres.

Quand on n'a pas d'yeux, on a des jambes...
Et un GPS caprice yeux

Septembre 2019, Stockholm

Dans la matinée, je prends le temps de discuter longuement avec Stéfan, mon voisin de chambre. Et on brunche ensemble vers 11h30. On discute bien malgré le temps qu'il me faut pour me remettre à l'allemand. La vie ne l'a pas épargné récemment. Je le sentais malgré sa solidité apparente.

Je me dis que je vais partir vers midi pour visiter le musée Vasa. C'est le musée le plus visité de Scandinavie. Le GPS me dit qu'il est à 1,5 km, bref je devrais y être pour 12h30.

Pas vraiment.

Tout d'abord, boulette de ma part. Je croyais que mon bateau était arrimé à une presqu'île. Alors j'ai pris pour habitude de la quitter par la passerelle avant d'enclencher mon fidèle compagnon. Sauf que là... Il me demande de revenir sur mes pas.

Quoi ?

Bon je suis bête et discipliné et le suis. Et c'est là que je découvre que je ne suis pas du tout sur une presqu'île. La ville continue de l'autre côté. Un premier kilomètre offert par la maison, il est pour moi. Bon pas grave, j'y serai pour 12h50.

Ça fait plaisir de découvrir un nouveau coin. Puis j'arrive le long d'une grille. Et là, je ne comprends plus. Je suis censé la passer et aller sur l'eau. Impossible de la passer et je n'ai pas l'impression d'apercevoir de pont. Je pense qu'ici un pont a dû être retiré mais que Maps n'est pas au courant.

Commence une longue balade non désirée le long de la Baltique. Le détour est d'au moins 3 kilomètres au total. Et temps que le chemin le plus court est de passer par le pont Imaginaire, impossible de compter sur mon fidèle compagnon. Finalement, après des dizaines et des dizaines de tentatives, il finit par me donner un point qui semble aller dans la bonne direction. J'ai quand même la crainte qu'il me renvoie vers le pont imaginaire par des chemins détournés, même si d'après mes déductions, cela semble cette fois bon. Le guidage est rendu compliqué par le petit crachin bien désagréable et je n'ai pas emmené de pochette. Erreur de bonhomme trop sûr de son coup.

Finalement j'arrive au musée Vasa vers... 14h15. La pire heure quoi.

C'est un joyeux foutoir. On peut regretter qu'il n'y ait pas d'agent d'accueil dans le hall. Je prends une file au hasard. Arrivé à la caisse, on me demande dans quel groupe je suis. Mince, je suis à l'entrée groupes. Bon pas grave, elle m'accepte quand même.

Pas de réduc pour moi, il a intérêt à être bien ce musée.

Ce musée a été construit autour du Vasa, un énorme bateau qui a coulé en 1628. Je vous en dirai plus dans un instant.

Mais pour le moment, l'hôtesse ferme sa caisse pour me guider vers une collègue.

Celle-ci m'emmène au dernier étage du musée où se trouve une reproduction miniature du bateau et j'ai droit à 30 minutes d'explications particulières !

L'histoire du Titanic à côté de celle-ci, c'est de la gnognotte. Même si le Titanic a fait bien plus de victimes.

Ce bateau a été le plus gros construit au XVIIème par la Suède. 68 m de long, 18 de large. C'est le seul bateau au monde de ce siècle entièrement conservé.

Le chantier avait été confié aux meilleurs en la matière, les Hollandais. Sauf qu'ils ont commis une erreur de débutants, la poupe était bien trop basse et les 64 canons pesaient leur poids.

Lors du voyage inaugural, le tout Stockholm était là. Le roi attendait son petit bijou à Riga, où il était bien occupé par une guerre contre les Polonais. Pour une fois ce n'était pas contre les Danois. Mais il ne le verra jamais. Le bateau coula après un seul petit mile ! Un quart des 200 membres d'équipage ne put être sauvé.

Le bateau fut redécouvert en 1956 dans un état de conservation incroyable. Les conditions dans la Baltique sont idéales pour cela. Finalement le bateau fut remonté en 1961, et le roi put monter à bord contrairement à son ancêtre.

Les archéologues purent s'en donner à cœur joie. Le bateau contenait 40 000 objets !

Nombre d'entre eux sont exposés dans le musée, y compris les sculptures, car, en tant que joyau de la couronne, le bateau était richement décoré. Sont même exposés les 17 corps retrouvés. En 1961, ils étaient si bien conservés que certains avaient encore des cheveux. D'une telle exposition, je ne sais jamais trop quoi penser. Leurs visages ont également été reconstitués.

Mais le musée est top. Le bateau est tellement haut que 6 étages ont été bâtis autour.

Entre les explications individuelles, puis de groupe, et enfin un film en français, cette fois je n'ai pas perdu mon temps.

Ce bateau, très connu aujourd'hui, est la preuve ultime qu'il est possible de très bien réussir malgré un départ calamiteux !

C'est à l'occasion de ce film que j'ai échangé mes premiers mots en français ici à Stockholm. Mais j'ai envie de parler anglais, allemand.

Le retour est encore plus compliqué que l'aller. J'ai d'abord bon espoir qu'il ne me fasse pas passer par le pont imaginaire car le chemin proposé n'est pas le même. Et puis si... Je me retrouve face à l'entrée d'une grande foire. Cette fois, il faudrait en plus que je paie pour finalement ne pas pouvoir traverser ce bras de mer. Mais bien sûr.

Je commence à nouveau à essayer de poursuivre le long du port. Mais impossible, c'est un bordel sans nom. Des machines, des grilles partout, le sol dans un état pas possible.

Je me fais la réflexion qu'un jour je me retrouverai dans la zone protégée d'une centrale nucléaire, les gardes armés m'aboieront dessus, qu'est-ce que vous foutez là ! Et moi en toute sincérité, je répondrai, beeeen j'étais juste sorti pour chercher les toilettes !

Je suis obligé de m'éloigner de la côte. Cela tournicote dans tous les sens et je dois en permanence déduire vers quel cap je dois aller. Quand j'étais en bord de mer c'était plus simple. Le GPS s'entête longuement, mais pas de souci, je suis encore plus borné.

Sans doute qu'en tram je n'aurais que quelques stations à faire. Mais l'accès aux transports en commun reste ma principale difficulté. J'ai essayé de savoir où est la station la plus proche de l'auberge mais je n'ai rien compris aux explications.

Pas grave, j'aime marcher. Et puis le GPS et moi, on est un vieux couple. Ensemble on a marché facilement 5000 km, pour beaucoup en forêt et en moyenne montagne. Contrairement à un bus où on peut faire de grosses erreurs, et se retrouver à l'autre bout de la ville, avec le GPS, j'ai le sentiment de maîtriser la situation malgré les mauvaises blagues qu'il me fait.

Ne cherchez plus, si je suis têtu comme une mule, c'est de sa faute !

Puis marcher stimule la réflexion et l'imagination. C'est en marchant ainsi, qu'est né mon futur projet... un projet qui me permettra de vivre pleinement ce que j'aime, découvrir de nouveaux horizons, sac à dos sur le dos.

Que cela plaise ou non, c'est ainsi que je suis heureux. Mais j'espère que cela vous plaît !

Photo du paquebot repéché et transformé en Musée, le Vasa

Une course pas courue d'avance...

Courses de Waldo, 13 juillet 2019

Toute ma philosophie en quelques lignes

Si vous souhaitez comprendre les valeurs que je souhaite défendre, je vous conseille de lire ce texte

23h30, 13 juillet 2019, foyer rural de Waldolwisheim

 J'entends au micro : Nicolas est demandé sur la scène

 Comment ça ? J'ai fait un temps dont je suis satisfait sur le plan personnel, mais foncièrement mauvais. 

Je suis accompagné sur la scène et me fais remettre une coupe !

Une reconnaissance pour être allé au bout du parcours malgré le handicap.

Un grand moment d'émotion et de partage.

La salle se lève, je suis très ému,  il y a des centaines de personnes.

Un moment magique et inoubliable. Le jour du 15e anniversaire de cette très grosse intervention chirurgicale de 2004.

Maintenant faisons un flash-back 24 heures en arrière...

J'envoie un SMS à ma cousine :  "Purée, ce n'est pas vrai, je vais sûrement devoir renoncer à ma participation alors que j'y tenais tant. Mais je ne peux pas poser mon pied par terre, 200 mètres me prennent 10 minutes. Ne dis rien à tes parents, ni aux miens, sinon ils vont vouloir que je renonce d'office par inquiétude."

Tous les deux nous sommes sur la même longueur d'ondes, elle me répond "Reste cool, tu verras demain matin comment tu te sens".

Entièrement d'accord.

Je rentre chez moi, clopin-clopant. Tous mes amis sont pessimistes sur ma participation. Évidemment.

Au fond de moi, j'ai envie de hurler de rage, mais elle a entièrement raison ma cousine, je sais que je dois rester zen, il n'y a que comme ça que je peux envoyer de bonnes ondes à mon corps.

Je vais me coucher dès ma rentrée. Je souhaitais encore effectuer mon soin, à savoir mon lavement, mais j'ai déjà tellement mal au genou, je n'ai pas envie de m'infliger une seconde douleur. Ces derniers jours, mes lavements se sont un peu moins bien passés, et j'ai ressenti pas mal de douleurs. Pas envie maintenant.

Je vais me coucher,  en me mettant des poches de glace sur le genou. 

Je ne jure plus que par cela. Je me souviens qu'au Baïkal j'avais emporté différentes crèmes avec moi, connaissant mes fragilités de genou. Après une journée de ski, était arrivé ce qui devait arriver, j'avais beaucoup de mal à marcher.

J'avais voulu mettre une crème dessus, mais le guide, Pierre Muller, m'avait dit :  "Pourquoi tu as ça ? Tu es entouré du meilleur médicament pour ce que tu as". J'avais passé le reste de la soirée à ramasser de la neige, pour me la frotter sur le genou, et le lendemain...  Je repartais comme un cabri. Ou plutôt comme un chameau sur la banquise, vu mon niveau de ski.

J'allais reproduire cela. Enfin, plutôt imiter cela. Je ne suis plus en Sibérie.

 Je place une première poche, et mets le réveil vers 5h, pour en mettre une autre.

Évidemment, je m'endors très mal, mais ça, j'en ai l'habitude, après des années à passer des heures à tourner en rond dans le lit à cause de douleurs de dos. Problème qui s'est résolu grâce au sport, vers l'âge de 30 ans.

A 5h, le réveil sonne, je vais la changer, me rendors assez vite cette fois.

Je me réveille dans la matinée, je sens que je vais beaucoup mieux, mais j'ai encore une grosse gêne. J'écris à ma cousine, je ne sais pas quoi faire, c'est à moi de choisir maintenant, est-ce que je prends le risque ? 

Je décide, pour le moment, de remettre une poche de glace sur le genou, et de me rendormir encore une fois. Au réveil, cette fois ça va vraiment mieux.

Cela paraît étonnant, mais cela ne m'étonne plus moi, je connais mon genou, ce n'est pas la première fois qu'une douleur impressionnante, disparaît très rapidement. Grâce à mon ami Clément, je crois désormais savoir comment s'appelle ce mal mystérieux : le syndrome de l'essuie-glace. Un syndrome très répandu chez les marcheurs. En l'occurrence, cela semble un souvenir de la randonnée de jeudi.

C'est décidé, je vais participer. Je serai prudent, car dans quelques jours, je pars pour une nouvelle traversée...

Et vous ne savez toujours pas de quoi.

Je suis un peu éprouvé, et maintenant il faut enchaîner avec autre chose. Ce lavement, il faut bien le faire avant de courir.

Je prévois presque 2 heures de marge avant de devoir partir pour la gare, cela devrait être largement suffisant, habituellement cela me prend environ une heure...

Sauf que, bien évidemment...

Au bout d'1h30, il est loin d'être fini, et j'ai mal au ventre, vraiment mal. Les larmes commencent à couler. Zeeeen, soyons zeeeen. Je fais des exercices de respiration,  façon femme accouchante. Chaque minute est interminable.

10 minutes plus tard, mon intestin se débloque, ouf!

Je termine, il me reste 10 minutes pour préparer mon sac. Je suis fatigué, vraiment fatigué. Et c'est toujours en suspens. Est-ce que mon intestin est vraiment vide cette fois ?

J'ai 27 minutes de train. Une éternité à l'échelle des temps de récupération dont j'ai l'habitude. Je passe tout le voyage à somnoler, et en rentrant chez mes parents, je refais une petite sieste.

Cette fois, je me sens d'attaque !

Un bon repas, et c'est parti pour Waldolwisheim.

J'y retrouve une bonne partie de la famille, et cette atmosphère de fête populaire que j'apprécie tant.

Nous serons quatre à partir 10 minutes avant le reste du groupe, mon père sera mon guide. Dans une compétition, cela n'a pas dû arriver depuis 25 ans !

J'aurais pu enregistrer le parcours dans mon GPS, mais de toute façon en l'occurrence, cela n'aurait servi à rien. Initialement, j'avais prévu de prendre part au 12 km nature. Devant la blessure au genou, c'est la seule concession que j'ai accepté de faire. Je pars pour le 7 km finalement.

Aménager, être raisonnable, ok. Renoncer, jamais !

Pour ne pas risquer la surblessure, et mettre en péril mon projet, je me suis fixé un objectif raisonnable, à savoir refaire le même temps que celui que j'avais fait dans une course comparable mais en marche nordique. Cela se passe plutôt bien, même si je coince dans les montées.  Je bénéficie de l'énoooorme expérience de mon père en course à pied. Mais je ne cours pas de la même façon que d'habitude. Je ne veux pas arriver cette fois comme souvent au bord du vomissement et de l'évanouissement et infliger ce spectacle à mon père.

Nous avons une cadence qui doit être la bonne, car chaque kilomètre prend un temps assez similaire. Ma canne me paraît très lourde à la main. J'en ai une nouvelle depuis jeudi, elle fait 10 cm de plus que la précédente, mais cette fois, elle est à la bonne longueur. Mais niveau poids, ça change, je n'ai pas pu m'y habituer encore.

1 km avant la fin, il y a une nouvelle montée, c'est vraiment compliqué. Puis je retrouve ma cousine sur le parcours, je sais que je suis à 600 m de l'arrivée. Dans la montée, j'avais un peu stoppé l'effort, devant elle je me remets à courir car elle m'a promis un coup de pied aux fesses, si je n'avance pas assez vite.

Puis à 400 mètres de l'arrivée, nous rentrons dans le village. C'est toujours à la fois un moment difficile, ce sont les derniers efforts, mais c'est tellement magique quand vous êtes porté par les spectateurs. 

Apparemment, l'effort a vraiment été bien géré, puisque pour la première fois j'arrive à terminer par un petit sprint.

Je suis tellement heureux, après cette journée, je suis allé au bout de mon rêve. Participer en tant qu'adulte à cette fête qui a marqué mon enfance.

Je crois que c'est déjà la récompense suprême.  Mais arrive 23h30... Et vous connaissez déjà la fin de l'histoire...

Pour moi cette journée est hautement symbolique. Elle illustre à mon sens, très bien les messages que je souhaite partager.

J'ai couru au milieu des personnes valides, mais les organisateurs ont tenu compte des efforts qu'il a fallu déployer pour parvenir au bout. Et encore, ils vont découvrir les trois quarts de ma journée par ce post.  Cela m'a vraiment touché.

Cela illustre parfaitement ce que je pense. Dans la vie, il ne faut jamais renoncer, quelles que soient les difficultés, santé, autres. Des fois il y a des milliers d'obstacles à franchir, mais on ne sait jamais ce qu'il y a derrière l'obstacle suivant, il peut y avoir quelque chose de grand, de beau,  d'émouvant, de merveilleux. Peut-être même quelque chose, qui pourra changer le cours de votre vie !

Et puis, si vous voyez quelqu'un qui fait une moins bonne performance que vous, restez humble. Vous n'avez aucune idée des efforts qu'elle a eu à déployer pour en arriver là. Le mérite se mesure aussi sous cet angle selon moi.

J'illustre cela à travers mes petites histoires. Mais soyons clairs, vous, sans doute comme moi, vous en fichez de Nicolas. 

Rassurez-vous, je ne le prends pas mal ! Nicolas n'a pas plus de mérite que quelqu'un d'autre. J'ai bien conscience que beaucoup d'entre vous qui me lisez, traversez des choses bien plus difficiles que moi. Mais trop de gens l'ignorent, pensent que tout va bien pour tout le monde dans le meilleur des mondes. Alors que tant de gens se battent. En silence. Dignement.

Si pour vous, tout va bien dans le meilleur des mondes, savourez chaque instant. Ne vous prenez pas la tête pour rien. N'oubliez pas que ce n'est pas le cas pour tout le monde. Ouvrez les yeux, mais pas pour plaindre ces personnes. Elles n'ont pas besoin de cela. Mais pour créer des ponts, des liens tous ensemble.

Si vous vous battez au quotidien, allez-y, poursuivez ! Un jour ou l'autre votre combat sera reconnu ! Même si dans de longues et interminables périodes, cela semble difficile à croire. Soyez fiers de tout ce que vous avez surmonté. Essayez toujours d'avancer, même si c'est à pas de souris. Cela n'est pas grave. 

Merci mille fois à toute l'équipe des courses de Waldo. C'est indescriptible ce que j'ai pu ressentir entouré par vous sur cette scène.

À très bientôt pour de nouvelles aventures !

Nicolas Linder handi routard se prépare avant la course, il porte un gilet jaune de sécurité avec la mention malvoyant

Comment je m'entraîne à la course

S'entraîner seul avec un champ visuel de 3 degrés

Aujourd'hui j'étais bien décidé à passer pour la première fois sous la barre des 18 minutes sur mon parcours habituel de 3 km.

Sauf que... J'ai géré mon footing comme un cochon !

Je sais parfaitement qu'il faut démarrer tranquillement pour donner un coup de collet par la suite. D'ailleurs, je disais exactement cela encore hier à Clément Gass, qui est quand même Ze spécialiste de la course à pied.

Eh ben le lendemain, je fais tout l'inverse. Pris par l'enthousiasme, je démarre en trombe... Sachant que c'est seulement le 2e entraînement et que je sens encore celui d'hier. Cherchez pas à comprendre, it's me.

Évidement au bout d'un petit kilomètre, je suis carbonisé. Et évidemment c'est le moment que choisit une dame et son chien pour se mettre sur ma route. Manœuvre délicate pour la dépasser le long de l'eau, concentration visuelle maximale. Rabattement, je diminue un peu l'attention, oups mais le sol est mouvant, oups, je suis descendu d'un mètre dans le fossé. Je me demande ce qu'a pu se dire la dame !

Pour moi, ce parcours, c'est comme une partition de musique. J'ai dans ma tête la largeur des chemins, la hauteur des trottoirs, tous les obstacles statiques et je suis toujours très précisément la même trajectoire. Ce qu'il y a de plus embêtant, ce sont les obstacles mouvants qu'on appelle humains ou chiens. Pour les voitures et les vélos, normalement le parcours est étudié pour ne pas avoir de souci.

Ironie du sort, le seul obstacle que j'ai déjà failli me payer au final, c'est un... labrador. Guide d'aveugles par excellence normalement.

Donc bon, après être remonté, je ne suis pas très fier. J'avais annoncé mon objectif à plusieurs personnes. Non seulement j'ai perdu du temps, mais en plus je suis carbonisé. Je me vois déjà devoir leur dire, bon ben c'est 19 voire 20 minutes finalement. Mais je me dis bon, on va essayer de maintenir un petit rythme c'est tout. Je dois m'arrêter beaucoup plus que d'habitude. Mais à la moindre occasion, je relance aussi en me disant, sur un malentendu, on sait jamais, ça peut faire la petite seconde de différence. Mais vraiment, je voyais un temps de 19 minutes. Je me dépatouille comme je peux dans les dernières montées, je souffre même sur le dernier plat, mais je me dis toujours, allez, ce serait tellement bête de rater d'un cheveu, si jamais j'avais pris de l'avance au début. Quand vous êtes carbo, vous devenez un vrai poids mort.

Arrive la dernière descente. D'habitude je pique un petit sprint, mais là je dois tout mobiliser juste pour maintenir la trajectoire enregistrée dans l'ordinateur central qu'on appelle cerveau... Mais ça dévie à gauche, à droite, un vrai bateau ivre. Et puis, ligne d'arrivée, stop le chrono, 17 minutes 59 !

Si ça ce n'est pas un miracle ? Vraiment c'était n'importe quoi ma course !

Un DV au musée...

Musée Unterlinden, Colmar

DV : déficient visuel, enfin... en l'occurrence défi visuel suffira...

Alors oui, on peut être malvoyant et être pris d’une envie d’aller au musée, ce lieu de luxure visuelle...

De passage à Colmar, je me suis dit que je ne pouvais pas rater le grand musée de la ville, le musée Unterlinden, et son fameux retable d’Issenheim... et bien sûr, je voulais y aller seul. Une petite répétition générale avant le grand voyage de Malte.

Voyons voir ce que ça a donné...

1ère étape, la file. De nombreux groupes de touristes qui ne parlent pas français. Un joyeux bordel. 

Où se placer ? Un peu au hasard, on verra bien. Aujourd’hui, personne n'aboie parce que "j’aurais « grugé". C’est bien, ça arrive régulièrement. Certes, j’aurais légalement le droit d’aller directement au guichet, au nez et à la barbe de tous, mais je préfère me réserver ce privilège (enfin droit) pour les jours où la station debout est pénible. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Ensuite arrive le moment de la fouille du sac. Petit moment de malaise. On se regarde quelques secondes dans les yeux avec la gardienne chargée de cette tâche. Pis je comprends, je baisse mon regard et je vois qu’elle tend les bras...  Pas de début de romance.

Avec quelqu’un qui a une canne blanche ce n’est pas très malin de faire un geste plutôt que de parler. MAIS JE NE JUGE PAS. Comment pouvait-elle avoir les codes pour comprendre que je suis capable de me rendre jusqu’à elle puis de ne pas voir ses bras ? Cela demande beaucoup de travail de sensibilisation encore.

Bon, avec tout ça, je ne suis pas encore dans le musée.

Mais ça y est, j’y suis ! Bon, maintenant il s’agit de s’orienter. J’ai bien un plan, mais... hum. Comment dire...

Je repère rapidement que la collection archéologique se trouve à l’entresol. Super ! C’est ce que je préfère, ce sont plus souvent des sculptures ou des objets, c’est plus accessible visuellement...

Bon, dans un premier temps je traverse 2 pièces sombres, où il n’y a rien. Après une réflexion digne de Sherlock Holmes, je conclus mon investigation par : mince, ça doit pas être le bon sens (enfin, je vais être honnête, je n’ai pas dit mince). Demi-tour. Mais au passage, j’ai repéré l’ascenseur. C’est toujours ça de pris.

Je me retrouve dans une première pièce avec des sculptures majestueuses. Bon, pour le moment ça ne me parle pas trop, car j’ai un audioguide, mais comment savoir quel numéro taper ? C’est tôt le matin, je suis tout seul dans la pièce, les autres n’ont pas dû commencer la visite par ici.

Je continue à déambuler de salle en salle. Des fois je distingue que ce sont des représentations de rois et reines celtes. C’est magnifique. Je ne peux peut-être pas distinguer les détails, mais cela me procure quand même un autre type de frissons : j’essaye de me représenter le sculpteur travaillant sur cette pièce, il y a 2000 ans avec les moyens de l’époque. Vertigineux.

Nous déambulons, aujourd’hui, nous regardons chaque pièce quelques secondes, mais combien de temps ce sculpteur a-t-il travaillé dessus ? Une éternité sans doute.

Je continue à déambuler, ne respectant aucun sens, c’est l’anarchie totale, mais ce n’est pas grave, j’apprécie tout de même certaines pièces. Quand les contrastes sont bons en particulier.

Je tombe enfin sur une gardienne. On sent la surprise, mais j’essaye de montrer dans mon attitude que je maîtrise suffisamment pour ne pas tout renverser 

Je lui demande où sont les numéros pour le guide audio, ça y est, je vais en trouver certains !

Mon vagabondage continue, et je finis par retomber sur l’ascenseur. Je ne vais pas laisser passer une telle aubaine pour changer d’étage ! Je monte donc, je pousse une porte, et je ne comprends pas, je me retrouve dans une coursive extérieure. C’est pas grave, on va continuer jusqu’à retrouver une porte vers l’intérieur. Ça dégourdit les jambes et un peu d’air frais ne fait pas de mal.

Au bout de quelques minutes de marche, je remarque qu’il y a aussi des œuvres dans ces coursives… aaaah ! Combien en ai-je loupées ?

Bon, il y a de plus en plus de tableaux, ça se complique et j’ai de plus en plus le sentiment d’être dans un labyrinthe. Certains tableaux tout de même me parlent. Je tends l’oreille quand je tombe sur des groupes avec guide. Pour moi, entendre les descriptions des visages est toujours hallucinant. Un visage peut donc exprimer tant de choses à la fois ?!

Je me mets en quête du Graal du musée, le retable. Je passe et repasse de pièce en pièce, pis je ne sais comment, le voilà ! Bon, à part que c’est grand (sacrée analyse artistique, non ?), de moi-même, je ne peux pas vous en dire grand-chose. Mais son histoire est intéressante : au Moyen Âge a sévi un mal étrange : une maladie qui provoquait des convulsions effroyables. Les malades étaient envoyés face à cette œuvre, pour se dire que le Christ avait souffert encore plus sur la Croix. Cela consolait. Guérissaient-ils vraiment ? Mystère. Ce n’est qu’au XVIIe siècle qu’on a compris l’origine du mal : un parasite dans le seigle.

Voilà, je vais continuer ma promenade, les gardiens doivent se poser des questions en me voyant passer et repasser, mais c’est pô grave !

Revenant dans les coursives extérieures, je me pose un peu sur un banc. Je suis de retour dans mon élément ! Il y a un magnifique jardin, et on peut apprécier la douce mélodie du chant des oiseaux.

Dernière épreuve, retrouver la sortie ! Mais si on ne trouve pas la sortie officielle, il y a toujours le joker : l’ascenseur, sur lequel j’ai fini par tomber.

Reste à rendre le casque audio. On m’a dit qu’il y aurait un bac à la sortie pour le remettre. Je le trouve, enfin je le crois ! Je m’en approche, et au toucher je me dis que c’est un bac bien spécial, il est froid. En fait non, il s’agit encore d’une œuvre ! Un coffre en bronze ! Je viens d’inventer le recyclage multimillénaire !

Enfin bref, pour une vraie visite, il faudra revenir accompagné ou lors d’une visite organisée spécifiquement pour les DV ! (Il va falloir retenir cet acronyme, je risque de l’utiliser souvent !).

Bilan : je ne sais quel pourcentage de la collection j’ai vu durant mes errances, du stress, pour un peu m’orienter tout de même, mais quand même le plaisir d’avoir pu vagabonder à ma guise ! 

Et je connais enfin ce fameux musée dont j’entends si souvent parler !

Voyager malvoyant, un Conte des 1001 péripéties

La Valette, juin 2019

La Valette

Les poissons ne vivent pas que dans l’eau

Hier soir, après mon soin, je suis encore un peu sorti. Après le soin, il vaut mieux que je me couche, mais je n’ai pas pu résister à la tentation de connaître l’atmosphère de la Valette un samedi soir.

Il règne une atmosphère de petite fête de la musique. Ici un pianiste en pleine rue, ici un groupe qui joue au pied de la cathédrale. J’erre totalement au hasard, au gré de mes envies, et finis par sortir du centre historique. Je tombe alors sur des scènes davantage de la vie quotidienne.

Bon sang, que j’aime l’atmosphère de cette ville !

Il paraît que les feux d’artifice sont une tradition maltaise, et effectivement... Je n’en vois aucun, MAIS j’entends qu’il y en a de toutes parts. Je marche un bon moment, je pourrais me griser de cette atmosphère.

Mais le temps passe, il faut bien revenir en arrière. Le réceptionniste m’a indiqué qu’il y a un embarcadère derrière le jardin Barraka, j’y retourne, mais je ne le trouve pas. Pas grave. J’arrive sur la place de l’hôtel, et je souhaite demander à des passants ce que sont les différents bâtiments autour de la place. Une jeune femme passe, elle me répond qu’elle ne sait pas. Plusieurs autres personnes passent, personne ne peut me répondre. Une nouvelle jeune femme arrive, je repose encore la question. Elle me regarde comme un demeuré. Ok... mais je crois que j’ai compris pourquoi... il s’agissait sans doute de la même jeune femme que tout à l’heure qui repassait. Finalement un Italien regarde sur Google Maps et me donne la réponse tant attendue. Et c’est parti pour le Facebook live !

De retour à l’hôtel, j’écoute le petit concert de la Chorale Vue d’ensemble, chorale entre mal, non et voyants. Maya, j’adoooore ce que vous faites, mais pitié, Armstrong, j’en peux plus !

Non pas que je me sente seul, pas du tout, les avancées vers l’autonomie sont de trop belles victoires pour cela, mais ça fait du bien quand même d’entendre des voix familières ! Et je m’endors avec eux. Très bon sommeil donc.

Au petit matin, je me lève assez tôt. Je ne me considère pas comme croyant, mais je trouve que pour connaître un pays, cela passe aussi par les lieux de culte. Je me dirige vers la grande cathédrale, et sur le chemin j’entends déjà des chants provenant d’une petite église. Magnifique. Par contre, quand j’entre dans la cathédrale, je suis surpris, elle est loin d’être pleine. Et au final, la ferveur n’est pas extraordinaire. Tout le long, j’entends même des ronflements, et ce n’est pas toujours la même personne…

Au bout de 45 minutes, je commence à me sentir mal, il faut que je sorte. Depuis tout petit, en raison des troubles neurologiques, je supporte mal certaines odeurs. C’est le cas de l’encens. Pour la petite anecdote, je m’étais même évanoui lors d’une messe trois jours avant ma seconde communion... C’était de bon augure.

Mais les décorations de l’église sont fantastiques. J’ai pris quelques photos, mais j’ai le sentiment qu’elles rendent mal les couleurs.

Une fois à l’air libre, cela va rapidement mieux. Je prends un peu de temps pour tester les applications que vous m’avez gentiment conseillées pour connaître les monuments autour de moi. Malheureusement aucune ne fonctionne, en tout cas ici. Je rêve de pouvoir mettre mon téléphone dans une pochette et qu’il me dise en permanence vocalement ce qui se trouve en face de moi. Vocalement.

Pour midi, on m’a conseillé un restaurant qui propose des plats traditionnels. J’y arrive, et malheureusement… Fermé ! Il n’est ouvert le dimanche que durant l’été. Je retourne à l’hôtel, le réceptionniste m’explique que le dimanche les habitants de la ville vont beaucoup sur la côte. Forcément, elle n’est jamais loin sur une petite île ! Ce qui fait que les restaurateurs en dehors des zones hyper touristiques n’ouvrent pas trop. Pas grave, ce sera pour une autre fois.

Je me rends au restaurant de l’hôtel. L’une des spécialités maltaises se trouve être le lapin à la maltaise. En tant que fils, petit-fils, neveu d’éleveurs de lapins, je me dois de goûter ! Malheureusement, je n’en raffole pas, et je me rends compte qu’avec la chaleur, la viande passe plus mal. Viande que j’essaye de réduire d’ailleurs au maximum, que je consomme cependant de temps en temps en fonction des occasions. Mais la réduction est drastique. Je suis désolé pour ce petit lapin que je n’honore même pas. Vraiment ça ne passe pas.

Après le repas, je prends une heure de repos. Nulle utilité de se griller pendant les heures les plus chaudes.

C’est ensuite que je me mets en mode poisson qui tourne en rond dans son aquarium.

Le réceptionniste m’indique qu’il y a de petites croisières qui partent du port pas très loin.

« C’est facile, première à droite, première à gauche, vous verrez ! Il y a un escalier descendant »

Nous autres les déficients visuels nous adorons ce type de phrases ! Vous pouvez être certains à 99,99 % qu’on va se tromper. Je prends pourtant les devants en demandant un nom de rue, que je pourrai entrer dans mon GPS, au cas où.

Je découvre sur Internet qu’à partir de jeudi, seront proposées des croisières nocturnes pour 15 €. Je me dis tiens, au moins nous serons tous à égalité ! Bingo, je réserve.

Mais je veux quand même voir ce qui est proposé à la première à droite, première à gauche !

Première à droite, OK, première à gauche il y a un escalier. Un escalier véritable cauchemar du bigleux que je suis. Impossible de distinguer les marches les unes des autres. Dans cette situation, c’est presque comme si j’étais aveugle complet.

Canne qui descend, marche, canne qui descend, marche ! Ainsi de suite pendant presque 10 minutes ! Il se mérite ce port ! Aux trois quarts, j’ai la surprise de tomber sur un bar. Ben dis donc, il faut le vouloir pour y aller depuis là-haut. Mais c’est pas bête au final de se placer là !

Arrivé en bas… non non, il n’y a aucun ferry par ici. Super !

Je me dis bon, on va prendre nos précautions pour jeudi, on va aller repérer cet autre lieu de départ, des fois que ce soit un peu le même casse-tête… Je lance mon GPS, pour aller vers « boat street ».

Arrivé au dernier point, il me dirige... dans la mer... C’est basé sur les calculs Google Maps. Merci Google !

Il y a des personnes en contrebas, je les interpelle : comment vous arrivez là en bas ! « You have to go nanani nanana », avec de grands gestes. Je montre bien ma canne blanche, je leur fais comprendre que les grands gestes ne servent à rien, rien n’y fait, ça continue. « Ok ok, thank you, j’ai compris very well ».

Je n’ai rien compris du tout, je vais me débrouiller. Je longe les remparts, sur des centaines de mètres, il va bien y avoir une faille dans cette grande muraille de Malte !

En effet, après quelques centaines de mètres, une barrière s’arrête. Je rentre dans un lieu, qui ne doit pas être spécialement aménagé pour le public. Le sol est brûlant ! Je le sens d’autant mieux que je porte des chaussures de type pieds nus depuis quelques temps (et j’adore ça !

Je me retrouve en face d’une trifurcation. Je prends celle de gauche. Quelques centaines de mètres, une impasse. La deuxième, rebelote. La troisième, quasiment pareil, mais j’arrive toujours à me faufiler. Même derrière une maison où il y a vraiment juste l’espace nécessaire pour passer. Je me dis, « mais qu’est-ce que je fous là ! ». J’hésite à revenir en arrière, mais je me demande, pour aller où ensuite ? Je sais que je vais dans la bonne direction, et la délivrance peut arriver à tout moment, alors que si je reviens en arrière, que faire ? Après quelques autres péripéties, le miracle ! Une terrasse ! Et un gros panneau qui indique « Sliema ferries ». Yes ! J’y suis ! Une chose est certaine, je n’ai pas utilisé la voie royale.

Je m’installe à une table, pour souffler un peu, récupérer de la chaleur. 

J’entends tousser. Mince ! Je me suis assis à la table d’un homme. Je sursaute, ça le fait rire. Il me dit, c’est bon, c’est bon, tu peux rester ! On commence à discuter un peu. Il m’explique : ici c’est un ferry, de type transport en commun, pour faire les petites croisières, il faut aller à Sliema en face.

Cette ville est devenue une station balnéaire assez huppée, alors qu’il y a peu c’était un joli village de pécheurs. C’est notamment un lieu de shopping prisé. C’est pas mon truc mais je suis curieux, allez hop on va faire la traversée. Le ferry arrive, je me lève. Je lui demande de me guider jusqu’à l’embarquement. Gauche, droite ! Il voit que je fais n’importe quoi, c’est bon, il vient me prendre le bras pour cette dizaine de mètres.

Arrivé de l’autre côté, une longue promenade le long de la mer, bordée d’une route très dangereuse (mais pour une fois bien séparée du trottoir). Je marche, je marche, mais je ne trouve aucun endroit qui paraisse plus sécurisé pour traverser. Je demande à un homme, il me dit, on va aller au passage piéton. Retour 500 m en arrière !

On traverse, je me retrouve en face d’un restaurant où je vois annoncé en grand « arançinis ». J’adore ça, et je rêve d’en manger à nouveau depuis des années ! D’ailleurs, récemment, chez mon amie Nadia, nous étions allés chez un traiteur italien, j’ai insisté pour prendre cela, et arrivés à la maison, c’est la seule chose que le traiteur avait oubliée de mettre dans le paquet !

Je me dis, c’est chouette, en fait c’était un signe pour que j’en mange lors d’une grande occasion. Ici, à Malte. Le serveur prend ma commande, et revient deux minutes plus tard : « désolé monsieur, nous n’avons plus d’arançinis »...

Game over ! Le charme n’est pas rompu.

Je commande tout de même une boisson. Au moment de payer, je souhaite retrouver le serveur dans le bar. J’entre, il y a quelques personnes devant moi. Puis d’un coup le serveur arrive en rigolant.

J’étais entré dans le commerce d’à côté : un salon de massage !

Est-ce que c’était un signe, est-ce que je dois rester ? Allez non, on va être raisonnable !

Pour me consoler, et comme c’est un lieu de shopping, je vais faire du shopping… Un paquet de cookies, c’est pas extraordinaire la vie ?

Je demande ce qui est à voir en dehors des magasins, on me parle d’un jardin en bord de mer. Voilà, ça ça m’inspire ! Je regarde avec mon GPS, c’est à 1,5 km. Allez, on n’est pas à ça près aujourd’hui, c’est parti !

Sur le chemin, je dois demander à plusieurs reprises de l’aide pour traverser des routes. Vraiment je trouve que les relations voitures-piétons ne sont pas très bien régies. Je tombe sur une stagiaire française. Avec mon accent tout pourri, mon origine est vite découverte, et on peut vite davantage échanger.

J’arrive dans ce jardin, c’est assez chouette effectivement ce mélange verdure/Méditerranée. Il se fait déjà tard, mais je me pose tout de même un peu pour profiter de ce petit Graal.

Allez, c’est reparti pour rentrer. Pour quitter le jardin, il faut retrouver un petit escalier, il y a une succession de petites places, je ne sais pas dans laquelle se trouve cet escalier. Les petites places sont rondes, je tourne autour de chacune, pour le chercher, cela accentue encore l’effet poisson rouge dans son bocal !

J’ai bien pensé à enregistrer précisément la position de l’embarcadère.

C’est quelque chose qu’il ne faut pas que j’oublie. Toujours enregistrer les endroits stratégiques, et vérifier le bon enregistrement.

Le retour est un jeu d’enfant, si ce n’est ces traversées où je dois me faire aider. Une Anglaise m’aide pour la montée dans le ferry.

De retour de l’autre côté, j’accompagne un groupe pour trouver la sortie du dédale de tout à l’heure. J’enregistre le point stratégique qui me manquait pour pouvoir revenir vers cet embarcadère jeudi. Allez, direction l’hôtel.

Arrivé près de l’hôtel, j’entre dans mon GPS la rue que m’avait indiqué le réceptionniste pour aller « à droite puis gauche »... c’est à 500 m, et au final après avoir tourné je ne sais combien de fois, j’arrive de nouveau quasiment à l’embarcadère ! Je suis totalement revenu sur mes pas, et c’est rereparti vers l’hôtel ! La rue que l’on m’a indiquée et la rue indiquée sur le ticket sont l’une à côté de l’autre…

Arrivé à l’hôtel, je me dis que j’ai bien mérité un petit verre d’eau gazeuse ! Je veux rentrer dans le bar de celui-ci, et au final je suis à nouveau dans celui d’à côté… Mais c’est pas grave, c’est une cave un peu style grotte. Tout le monde est sur la terrasse, mais moi je m’y sens très bien ! Il n’y aurait pas cette fichue musique, je proposerais d’allumer un feu de camp et d’y faire rôtir le mammouth.

Allez, après toutes ces péripéties et ces presque 14 km sous la chaleur, c’est le moment d’aller se reposer.

Photo de Nico handi routard en bord de mer à Malte

Wim Hof, pour ne plus avoir la frousse

Stage méthode Wim Hof, février 2020

J'ai eu le privilège de participer à un stage d'entraînement à la méthode Wim Hof.

Un weekend de tortures diront certains.

Pas du tout ! Les bienfaits de cette méthode ne sont plus à démontrer. Et ce que j'ai rencontré durant ce weekend, c'est aussi un super état d'esprit d'entraide et de solidarité. Je m'en souviendrai toute ma vie !

Les échanges ont débuté dès le covoiturage. Nous avions deux heures de route, nous avons récupéré plusieurs passagers à Strasbourg et à Obernai, conduits par Nicolas, avec qui je partagerai la chambre ensuite. Nicolas, (malgré son prénom) est vraiment drôle. On partage le même coté rustique. J'espère qu'on aura l'occasion de refaire des trucs ensemble.

Chaque passager avait son histoire, ses expériences, nous sommes tous friands d'expériences nouvelles, de méthodes alternatives, alors les conversations sont allées bon train.

Une fois arrivés à Bussang, première surprise. Comme souvent, perdu au milieu de centaines d'autres, il y a un mot qui m'avait échappé... Il s'agit d'un stage de niveau... Avancé. Bon, peu importe, je me serais probablement inscrit tout de même.

Une fois sommairement installés, nous sommes cueillis... à froid. Nous avons tous participé à un premier stage durant lequel, après 5h de préparation, nous devions faire un bain de glace de 2 minutes.

Cette fois-ci, zéro préparation.

Bon allez les gars, direct dans le bain ! En maillot de bain et c'est parti. 

Lors du stage précédent, nous étions coachés durant la baignade par Damien, l'instructeur. Cette fois nous devions nous mettre par binômes et nous soutenir les uns les autres.

À ce jeu-là, j'ai eu beaucoup de chance, je me suis mis en binôme avec Loïc, qui a l'habitude d'encadrer, et je dois dire que sa voix m'a littéralement porté durant les 2 minutes de baignade. Quand on a appris à gérer sa respiration, vraiment prendre un bain de glace de 2 minutes devient quasiment un jeu d'enfant. Le seul vrai ennemi pour un bain de 2 minutes après lequel on peut se réchauffer, serait la panique.

Arrive ensuite le premier repas du weekend, et durant tout le weekend nous avons été gâtés par Patrick Hoenner et sa femme Agnès. Je ne suis pas, ni végétarien, ni végan et encore moins crudivore et pourtant je peux vous assurer qu'absolument tout était savoureux, que nous n'avons pas eu le moindre creux et qu'à aucun moment nous n'avons manqué d'énergie, bien au contraire !

Au matin, yoga à 7h30 avec Claire-Lise pendant 1h, puis 1h d'exercices de respiration avec Damien. Le tout, le ventre vide.

Le yoga n'est pas ma spécialité, mais Claire-Lise oralise très bien les mouvements. J'ai la grâce d'un éléphant de mer échoué dans le Sahara, mais ça fait du bien. C'est une première pour elle de n'enseigner qu'à des hommes.

Dans la méthode Wim Hof, on retient plus facilement les exercices autour du froid, très spectaculaires, mais les exercices de respiration sont tout aussi importants.

Si vous avez regardé l'émission que je vous ai conseillée mardi soir, vous avez pu voir qu'il est scientifiquement prouvé qu'ils permettent de stimuler le système immunitaire. Ainsi, les 12 personnes qui se sont prêtées à ces exercices scientifiques, se sont vu injecter des virus, qui normalement doivent provoquer en quelques heures de la fièvre et divers symptômes. Mais après ces exercices, ils développent très peu de symptômes et les analyses sanguines sont parlantes. Ces exercices sont très forts, vous pouvez les retrouver sur YouTube en tapant respiration Wim Hof. Comme le dit si bien Damien, ces exercices sont tout l'inverse d'une drogue. Avec une drogue vous êtes bien quelques minutes pour ensuite en baver, avec ces exercices vous êtes mal sur le coup mais pour bénéficier ensuite d'un bien-être prolongé. Les effets durant l'exercice sont sur certains, vraiment impressionnants.

Arrivent ensuite les autres exercices que vous attendez... il y aura en tout 3 autres exercices qui nous confronteront au froid.

Je réponds d'avance aux sceptiques : non cela ne rend pas malade. Le froid est dangereux si vous vous y exposez au point de devoir être amputé ou de faire une hypothermie (mais il faut y aller pour cela), mais non, il n'affaiblit pas votre système immunitaire, il le renforce même.

Si vous voyez quelqu'un en short, t-shirt en plein hiver, il n'a pas plus de risques que vous sous votre doudoune d'attraper une grippe, ou autre maladie de l'hiver. Par contre il a moins de risques que vous pour l'hiver prochain, car il se met à développer de la graisse brune.

Kézako la graisse brune ?

La graisse brune est une graisse que les enfants ont sous nos latitudes jusqu'à 5 ans environ. Mais qui disparaît ensuite car inutile puisqu'on se couvre au moindre frisson. Pourtant la nature est bien faite. Même adulte, si on se confronte au froid, elle revient. Et contrairement à la graisse classique qui n'est qu'une graisse de stockage, celle-ci est hyyyyper protectrice.

Premier exercice, et premiers gags. Nous nous arrêtons au bord d'une route On se met en cercle en maillot de bain. Une promeneuse arrive, éberluée ! Elle prend des photos, elle ne croit pas que nous allons nous baigner ! Mais si Madame !

Après ces exercices pour chercher la chaleur en nous (et ça marche !); c'est parti.

Ce qui est compliqué déjà, c'est l'attente. Dans un premier temps, nous devons y aller deux par deux, et ensuite 4 par 4. Mais il faut attendre que les autres soient revenus. Il faut maîtriser le vent qui souffle sur nous. Toujours en maillot de bain. Et je passe parmi les derniers.

L'exercice consiste à marcher une cinquantaine de mètres dans une rivière pour se diriger vers une cascade, puis s'y plonger entièrement pendant environ 2 minutes. Je dois dire que cela doit être l'exercice que j'ai trouvé le plus dur. L'eau vive, ce n'est pas du tout pareil !

Mais la sensation est hors normes. Il faut vraiment se recentrer sur soi, ne pas du tout se laisser perturber par l'extérieur, maîtriser sa respiration, rester calme. Comme le dit Wim Hof, le froid est impitoyable, mais juste.

Quand on arrive à se maîtriser, cela devient supportable. Ensuite, là où je flippe un peu, c'est le retour jusqu'au point de départ alors que je ne sens plus mes pieds. Habituellement, mes pieds compensent beaucoup ma vue, et je suis hyper réactif à tout ce que je sens sous les pieds.

En l'occurrence je ne sens plus rien...

Mais je suis tout à fait rassuré, la présence et la solidarité de mes camarades est primordiale et exemplaire. L'état d'esprit est extraordinaire. Tout se passe très bien.

La prochaine fois, j'emporterai simplement des chaussures ouvertes qui restent accrochées aux pieds !

Dans l'après-midi, autre exercice. Cette fois il s'agit d'une randonnée en short, chaussures. J'ai un peu peur de ralentir le groupe, mais au final je me rends compte que les conditions sont parfaites pour moi.

Habituellement, mes comparses de randonnée profitent des paysages pendant que moi je suis centré sur mon chemin. Cette fois, personne n'en profite, tout le monde est concentré sur soi, sur sa résistance aux conditions. Mais pour moi, tout est vraiment parfait, car nous avançons à un rythme très bien cadencé par le tambour de Damien, et personne ne parle. Parfait, je ne suis pas perturbé dans mon exercice d'équilibrisme permanent. Je me dis que c'est même un avantage par rapport aux autres, je suis tellement concentré pour ne pas tomber qu'au final je n'ai pas le temps de penser au froid. J'ai encore un autre avantage par rapport aux autres, j'ai l'habitude d'en baver pendant des heures par exemple avec les infections urinaires. Ça entraîne son homme !

Loïc marche devant moi, il a assez froid, il marche de manière assez robotique, et c'est absolument parfait pour pouvoir me caler sur ses pas !

Vraiment j'adore cet exercice car, comme dit, habituellement je ne peux pas trop profiter des randonnées, principalement concentré sur mon équilibre. Mais cette fois j'ai un truc en plus, le froid vient sur moi, que je le veuille ou non. J'ai donc beaucoup plus de sensations. Quel pied.

Arrive enfin le clou du spectacle. Nous arrivons sur les crêtes, à 1200 mètres d'altitude... Tout est dégagé, et là... c'est le déluge !

Un vent qui manque de déséquilibrer à chaque pas, une grêle pas possible, qui fouette nos poitrines, c'est indescriptible !!! Nous faisons rapidement une photo au sommet et c'est parti pour la redescente.

Habituellement redescendre est bien plus difficile, mais je suis dans une sorte d'état d'euphorie et je me sens comme voler. Peu importe les trébuchages, je me sens capable de me rattraper à tout instant. Nous arrivons en bas et je suis stupéfait. J'avais dit à Damien qu'il fallait compter 50 % de temps en plus, mais au final, nous étions partis assez tardivement, et nous arrivons même avant la nuit. Dans la descente, j'ai de nouveau bénéficié d'un guidage très adapté, pas oppressant comme cela arrive des fois, et qui au final me pompe plus d'énergie que cela ne m'apporte.

Durant le diner, stupeur. Damien nous indique que ce que nous avons traversé est pour lui de niveau 8 ou 9 sur 10 de ce qui est humainement supportable. Pas mal !

Dimanche après-midi, dernier exercice. Baignade en cercle d'une dizaine de minutes dans un lac un peu moins froid. Mais 10 minutes cette fois...

Nouvel exercice pour se réchauffer avant de plonger dans l'eau. Nous sommes en cercle, il y a un van juste à côté, on pousse des cris de bêtes sauvages, et soudain, la porte du véhicule s'ouvre... Oups, il n'était pas inoccupé ! L'occupant est très sympa, et propose de faire des photos.

Une petite lapalissade. 10 minutes, c'est beaucoup plus long que 2 minutes... mais le fait d'être tous ensemble aide beaucoup. Et je sais que cela sera notre dernier exercice, alors j'ai vraiment envie de profiter de chaque instant. Un petit peu au détriment de la concentration je dois bien l'avouer. Tant pis, je grelotterai plus longtemps à la sortie. Tant pis pour moi, telle est la sentence dans ce cas.

La personne à côté de moi grelotte déjà dans le bain, et quand nous commençons à pousser des cris pour nous réchauffer, explosion de rire générale... Ses cris grelottent aussi !

Nous nous rhabillons.

Gros coup de cafard.

Nous savons que nous allons nous quitter, mais c'est difficile après avoir partagé tant d'émotions en si peu de temps.

Mon vécu je crois m'a aidé à tenir durant ce week-end, mais je crois surtout que ce week-end a aussi été un excellent entraînement pour rester calme dans des situations d'inconfort total.

Merci encore Primal Bloom, merci encore Au Claire de Lise Yoga, merci encore Shantiyogamassage (!!!!)

Photo de plusieurs hommes en maillot de bain dont Nico handi routard dans une rivière gelée et sous une cascade

Toucher les étoiles à bord de l'Estrella

La Rochelle - Ténérife sur l'Estrella Lab, 19 novembre 2021

 

{Tempête de Brest !}

 

Je sais je sais, je devrais parler de tonnerre de Brest, mais peu importe, je voulais faire un clin d'œil au cap'taine Haddock.

Franchement, sur 2 jours j'ai vécu l'expérience probablement la plus forte de ma vie.

Mardi soir c'était mon soir de repos. Malheureusement je m'étais un peu laissé envahir par des bêtises extra-bateau alors je n'ai pas hyper bien dormi. Mais j'ai pu lire un livre audio et récupérer. Et je n'ai ainsi eu à sortir que pour une seule nuit de tempête. Une expérience forte, un peu effrayante, mais magnifique et tellement fascinante !

Le jour où on reprend, on reprend avec ce que j'appelle la nuit de l'horreur : 20h-22h, 02h-04h et 08h-10h sur le pont. Se relever une fois, c'est pas simple, 2 fois, c'est franchement rude. Sachant qu'il faut compter une demi-heure par transition, on se repose grand max 3h. Enfiler un surpantalon, sa veste de quart, le gilet de sauvetage, la ligne de vie, parcourir quelques mètres, ça ne paraît rien, mais quand le bateau passe de 45 degrés bâbord à 45 degrés tribord en permanence, c'est une autre histoire. Chaque petit pas se fait en fonction de la vague, on guette chaque opportunité de faire ce pas. Il m'est arrivé de passer 10 minutes accroché à un poteau pour cela. Chaque petit déplacement demande une énergie énorme, et à 4h du mat' ...

Parfois, on a l'impression de vivre sur un bateau hanté. Malgré tous les systèmes pour que les armoires restent fermées, des portes peuvent s'ouvrir soudainement... mouahahaha. Mais jusqu'à présent je n'ai pas vu Casper en sortir.

Au moment de sortir pour le quart dans ces conditions, on attend, équipé, au pied de l'échelle avec en quelle que sorte le sentiment de descendre dans l'arène. J'avoue que j'ai hésité à y aller mercredi soir, mais tant que la santé et la sécurité le permettent, pas question de laisser tomber l'équipe, de demander un passe-droit. Ce n'est pas moi qui vais voir les navires en approche ou manœuvrer, mais vraiment je tiens à vivre au même rythme que tous. Le plus important est la cohésion de groupe.

Actuellement, je fais mes quarts avec Carlos en qui j'ai une confiance totale. Sans cela, je vous assure que je ne sortirais pas, mais il me sécurise parfaitement jusqu'au fauteuil. On prend tout le temps nécessaire pour faire ces quelques mètres, et une fois au fauteuil, il me ceinture entièrement dessus. Je peux alors me détendre après ces minutes d'adrénaline et profiter du spectacle INCROYABLE de la nature. Malheureusement, dans ces conditions, impossible de prendre des images. Peut-être que d'autres auront réussi. Mais c'est juste dingue ! Voir passer les vagues tout près à des hauteurs folles... et parfois nous doucher. Hallucinant. Un coéquipier a ainsi vu le capitaine se prendre une rincée, on aurait cru que quelqu'un s'était caché derrière lui avec un énorme seau d'eau. Mais en capitaine expérimenté qu'il est, il n'a pas cillé d'un sourcil. J'ai une telle admiration pour les grands marins !

Vous n'imaginez pas le temps que j'ai déjà pu passer à admirer le spectacle parfois splendide, parfois d'une puissance inouïe de la nature ! Et là, accroché au fauteuil, je suis aux premières loges, au plus près des vagues en furie, mais en toute sécurité. In-croy-able !

J'aurais tant aimé partager avec vous ce lever de soleil, encore plus beau que les couchers !

L'équipe est tout aussi incroyable. Tout le monde se gère, personne ne se plaint jamais malgré les bobos qui s'accumulent. Tout le monde reste vaillant à son poste, même une fracture n'arrive pas à bout de la bonne humeur de la personne touchée, c'est vraiment fou.

Là encore le capitaine m'a littéralement scotché par son sang-froid. Une tempête à gérer d'un côté avec ses seconds, un contact avec les Urgences de Toulouse de l'autre via satellite (donc totalement merdique), mais il reste totalement calme et très clair dans ses ordres et communications. Et surtout, il transmet ce calme à tous.

Écho, sierra, tango, Roméo, écho, Lima, Lima, alpha, vous comprenez ?

Nous avons un temps craint de devoir organiser une évacuation par hélicoptère, ce qui est extrêmement difficile dans ces conditions. Mais finalement nous tombons d'accord avec le corps médical pour un déroutage vers l'hôpital de Lisbonne. Durant les moments de crise, je ne suis pas d'une grande utilité, mais j'essaie d'être présent pour amener de l'huile dans les rouages à chaque fois que je le peux. Mais à ce moment-là, ma principale mission est simple : ne pas me blesser à mon tour pour ne pas ouvrir un nouveau front.

Jusqu'à présent, mission plutôt réussie. D'ailleurs les douches plus régulières que prévues font que s'éloigne de plus en plus le spectre d'une grosse infection qui était mon principal risque. Et je pensais ne pas y échapper car les premiers signes sont apparus dès les tout premiers jours de navigation, mais je pense avoir vraiment repris le dessus.

Ma seule frayeur est totalement de ma faute ! Au petit matin, je retourne dans ma bannette pour écouter un livre audio, je me cale, mais ne ferme pas correctement ma toile anti-roulis... Et bim, une méga vague, Nico assoupi, et Nico 1,50 m plus bas alors que les camarades récupèrent de leurs quarts... Sentant immédiatement que tout va bien, j'éclate de rire et toute la chambrée part dans un énorme fou rire !

Cet arrêt à Lisbonne nous a permis de réparer non seulement les hommes, mais aussi le matériel, avec notamment une sacrée mission pour Cyril sur le mât, une mission exécutée avec brio !

Nous aurions aimé y passer une seconde nuit, mais une grosse dépression se prépare, alors on va devoir remettre les voiles au plus vite pour l'éviter. Retour sur le pont ce soir pour moi à minuit !

Cette équipe est vraiment géniale ! Il n'y a pas d'un côté les valides, de l'autre les handis, chacun met la main à la pâte à la hauteur de ses possibilités et c'est tout. Et cela se fait le plus naturellement du monde. Le voyant, valide ou pas va guider le malvoyant, celui qui marche va prêter son épaule à celui qui ne peut pas marcher, voyant ou pas, et voilà, il n'y a rien de bien compliqué quand tout le monde est de bonne volonté !

Pourquoi est-ce si compliqué en entreprise ou dans la société en général ??

Viva Estrella Lab !

Photo de Nico sur sa couchette sur l'Estrella Lab. Il essaie de s'asseoir mais comme c'est bas, il est plié en 2 mais en rigole fortement.

Orages ardéchois...

Strasbourg-Toulouse, 1500 km en tandem, juin 2021

Merci à mes pilotes qui se sont relayés, Cathia, Julien et Michel et à tous nos hôtes du chemin.

Le déluge

Cette fois-ci, nous ne sommes pas passés entre les gouttes. Nous avons pris l'orage de plein fouet la nuit dernière.

Après une petite alerte que j'ai passée planqué sous mon abri de fortune, la couverture de survie, moment que j'ai même apprécié, de communion avec la nature, les éclairs ont commencé sur la montagne. Presque joli. Puis j'ai compris qu'il nous venait droit dessus. Alors je me suis mis à l'abri. Très vite, les trombes d'eau se sont mises à s'abattre. Je n'imaginais pas à quel point !

 J'avais laissé mes affaires à même le sol, alors je lance une opération sauvetage. Dans le noir, avec des trombes d'eau. Les flaques que je me prends font par endroits déjà 30 cm de profondeur. Je repère le tandem, et heureusement j'avais en tête la position de toutes les affaires par rapport à lui. J'arrive donc à tout rassembler et à retourner à l'abri.

Reste à attendre. Je suis couché sur le sol des douches. Je n'ai prévu aucune tente pour moi. Je reçois un message de Cathia, la leur est en train de prendre l'eau de toutes parts. "C'est la cata".

 Je n'ose pas imaginer le désastre vu la profondeur de l'eau, et le déluge qui continue à s'abattre sans ralentir. 

Il y a un groupe de jeunes dont beaucoup poussent des cris de terreur. Mes seules compagnies sont les insectes. Ils sont tellement gros que je me dis, c'est super ! Ils les ont agrandis pour que je puisse aussi les voir. Je suis vraiment impressionné. J'ai l'impression d'être en Amazonie. Il y a notamment 2 énormes cafards volants qui font leur entrée. Ils font tellement de bruit que j'ai la sensation d'être suivi par des drones.

Au petit matin, après une looooongue nuit, le calme est revenu, et les oiseaux reprennent leurs droits. Je n'ai pas dormi du tout. Vers 8h je décide de retourner vers la tente. J'hallucine à quel point le sol a déjà absorbé l'eau. J'essore quelques affaires trempées puis me pose sur la couverture de survie. Je dors enfin 20 min. Quand le réveil sonne, je me sens prêt à repartir. Mais les affaires de Cathia sont trop mouillées, alors pause. J'en profite pour faire mon soin. Il me demande une énergie folle aujourd'hui, après la nuit blanche, cette fois je suis exténué. Pour la première fois depuis le début du voyage.

Quand Julien comprend que cela nous laisse la possibilité de visiter ce superbe village une journée de plus, il est tout fou. Mais dans l'après-midi, lui comme moi, sommes pris d'un besoin de sommeil irrépressible. A 18h, nous nous décidons enfin. On reprend les vélos pour aller au village. La pluie a carrément rouillé le cadenas, grosse galère pour le rouvrir.

Julien adore jouer le faux pessimiste, mais depuis qu'il est là, on a beaucoup plus de tuiles, alors on commence à le considérer comme notre chat noir.

Une fois sur le vélo, l'énergie revient très vite, et on se marre à nouveau bien. On se lance ensuite dans une marche avec un sacré dénivelé autour de Beauchastel. Mon dieu, que l'Ardèche est belle !

Je sens vraiment que ce ne sont pas les mêmes muscles qui travaillent pour la marche et pour le cyclisme. La montée fait sacrément mal aux jambes.

Mais après l'effort, le réconfort ! Nous attend un très bon plateau de spécialités locales avec un petit vin ardéchois ! Que du bonheur !

#choucroutecassouletexpress

Photo de Julien, un de mes pilotes et moi qui posons avec le tandem et un casque

Oser s'aventurer avec le Spina Bifida

Rando alpine haletante - 27 juillet 2022

Voici un récit qui compte beaucoup à mes yeux.

Je vais revenir sur la journée de samedi, une journée de randonnée qui devait être ordinaire. La seule chose qui devait distinguer cette journée des autres, était le plaisir énorme de retrouver nos amis Daniel et Françoise de l'expédition Défi Baïkal.

J'ai hésité à écrire cette chronique, qui sera peut-être voyeuriste. Mais je crois qu'au final elle a tout son sens. J'ai ouï dire que certaines de mes dernières publications pouvaient être contre-productives.

L'objectif de cette page est simple et clair : encourager chacun à vivre ses rêves en dépassant ses limites supposées. Parce que des pensées limitatives, j'ai très bien connu ce que c'est. Et aujourd'hui encore j'ai bien des verrous à faire sauter. Ils sont peut-être même infinis.

Or, on m'a dit que parfois il n'était plus tellement possible de s'identifier à moi. Nico fait du bateau, Nico traverse la France en tandem. Patati patata. On s'en fout. En tout cas moi.

Il y a suffisamment de pages de personnes qui se vantent, je leur laisse le créneau, c'est pas mon trip, c'était le dernier de mes objectifs de passer pour Nico le champi(gn)on.

Enfin non, ce n'était pas un objectif du tout en fait.

Pour certains, on en était presque arrivé au comble : il faudrait une bonne santé pour faire ce que je fais... Hum...

Moi, tout ce que je veux prouver, c'est qu'une personne bien ordinaire, qui part avec les mauvaises cartes en mains, peut malgré tout vivre des choses extraordinaires.

Et je crois que cette journée était là pour le rappeler. Alors je mets mon petit ego de côté pour vous la raconter.

Nos amis nous avaient dégoté un parcours aux petits oignons, sur mesure, tout à fait adapté à l'état de forme de nous autres les bigleux. C'est à dire pas terrible. 8 km pour 450 m de dénivelé dans les Alpes. De bons sentiers. Franchement, rien de méchant.

Seulement voilà, j'ai été rattrapé par la patrouille. La patrouille de mon intestin déconnant.

Et au moment où la montée est la plus intense, je tombe malade. Mais malade d'une manière qu'on ne connait normalement qu'en tant que touriste.

Arrivés au sommet, je suis seul avec mon amie sourde dont je suivais les pas et qui me guidait avec sa légendaire délicatesse. Si c'est difficile psychologiquement d'expliquer avec des mots, j'avoue être très gêné d'expliquer la situation avec des gestes, malgré toute l'amitié sincère que j'ai pour Françoise.

Mais les marcheurs passent et j'entends leurs commentaires quasi systématiques.

Je comprends pourquoi beaucoup de personnes rencontrant ces difficultés se cachent. On nous apprend la bienveillance envers beaucoup d'aspects. Mais sur cet aspect, zéro. Aucune délicatesse pour ne pas blesser la personne déjà meurtrie par la situation.

Je suis un peu perdu dans mes pensées mais je refuse de me laisser abattre. Finalement Alice, malentendante et malvoyante, nous rejoint. Je peux lui expliquer avec des mots. Mais ce n'est pas elle non plus qui va pouvoir m'aider à trouver un coin discret. Mais parlant de bonnes bases de la langue des signes, elle transmet l'info à Françoise.

Nous nous mettons immédiatement en route avec Françoise. Par miracle, Alice avait des lingettes sur elle. On trouve un petit coin discret en crapahutant un peu.

C'est vraiment la cata. Les lingettes ne suffisent pas et je suis obligé de sacrifier un litre d'eau potable en pleine chaleur.

Au redémarrage, je sens que je suis ouvert entre les jambes à cause des frottements.

Je pensais que ce serait un évènement unique lié sans doute à l'effort intense de la montée, mais pas du tout. Je tombe malade comme un chien. Le reste de la marche se transforme en chemin de croix, je ne maîtrise plus rien du tout et les frottements atteignent un niveau que je n'ai jamais connu.

Je dois gérer la douleur mais aussi la honte.

Heureusement, après le sommet, nous ne rencontrons plus grand monde et nous avons vécu des choses déjà tellement intenses avec le groupe que je n'ai pas peur de leur regard à eux. Mais j'essaie de garder une distance maximale avec les inconnus.

Le chemin connaît aussi comme toujours ses miracles. Qui aurait pu imaginer que Daniel repère au milieu de ces paysages arides un tuyau d'arrosage ?! On en profite pour rafraîchir les chiens, mais moi je profite aussi de cette eau glacée pour quasi me doucher. Cela m'offre quasi une demi-heure de répit dans la souffrance.

Mais le litre d'eau que j'ai dû sacrifier commence aussi à peser. Nous ne pouvions pas prendre de l'eau du tuyau, impropre à la consommation, mais c'est là que nous tombons sur la seule ferme de toute la journée ! Et le fermier nous remplit gentiment nos gourdes. Quel bonheur ! J'étais en mode économie d'eau alors que je perdais tout liquide en moi. Vraiment un miracle, j'avais de moins en moins de forces.

Nous poursuivons, ce n'est plus très long. Mais chaque pas me fait souffrir. Il faut tenir. Heureusement nous sommes sur un bon chemin. Et pourtant ça paraît interminable.

A 500 m de la voiture, alors que la situation devient juste intenable, nous tombons sur une route. Je m'arrête là, j'attends que les amis aillent rechercher la voiture.

Au soir, nouvelle situation désagréable à gérer émotionnellement. Nos amis nous font le plaisir de rester à dîner. Mais comme souvent je dois m'éclipser par manque de force. J'ai toujours le sentiment que cela paraît très impoli, mais petit à petit j'apprends à l'accepter.

Mes cuisses sont dans un état incroyable. On a l'impression que j'ai des œufs de poule sous la peau.

Pourquoi ai-je tenu à partager cette journée avec vous ?

Parce que c'est une journée qui aurait pu me décourager. Après laquelle je pourrais me dire plus jamais.

Mais je crois qu'au contraire, elle est très encourageante. Il y a eu une vraie solidarité autour de moi. Nadia m'a dit que cela les a aussi beaucoup fatigués. Bien sûr, ce n'est pas ce que je souhaitais, mais cela montre une vraie implication morale de la part de mes amis.

Elle démontre aussi qu'il y a toujours des solutions, qu'on finit toujours par s'en sortir.

Et surtout, je voulais partager cette expérience avec les personnes qui rencontrent les mêmes difficultés tellement gênantes.

Ne vous privez de rien ! C'est très gênant, j'en conviens, mais ce n'est pas plus honteux, nous ne sommes pas plus coupables que pour n'importe quel type de handicap !

C'est à la société de grandir, de sortir du stade où pipi caca c'est soit rigolo soit dégueux.

Alors que si on a tous un point commun, c'est bien celui-là... Non ?

Bien sûr, il faudra toujours le gérer chacun de son côté.

Chacun sa m... !

Mais il ne faut pas pour autant vivre caché, cloîtré.

Amour et Bienveillance à tous.

Photo de paysage de montagne en été

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